« Contre le pot de fer, le pot de terre peut gagner »

Contre la maladie il faut se battre. On peut gagner.
Il faut se battre pour être reconnu en maladie professionnelle, se battre pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur... Ces combats sont longs et épuisants mais il faut les mener.

En racontant mon histoire, celle de mes cancers et de la lutte du pot de terre contre le pot de fer, j’espère donner du courage à toutes les victimes qui sont « dans la panade ».

Je suis né en avril 1947, retraité depuis juin 2002. Dans ma région, la Normandie, les cancers, professionnels sont nombreux.
J’ai d’abord eu un cancer de la vessie en 1994, avec opération et traitement par les voies naturelles, puis un cancer de l’estomac avec ablation totale de cet organe.

Un problème de surveillance à l’hôpital a eu pour conséquences un coma, une hémiplégie et une embolie pulmonaire. J’ai passé 5 heures en caisson hyperbare. J’en suis sorti avec 3 de tension. Le docteur a dit à mon épouse, que j’étais pratiquement mort.
J’étais sorti du coma dix jours après, mon embolie était résorbée vingt jours après, ma paralysie surmontée après trois mois de rééducation. J’ai subi six mois de chimiothérapie.
Après une convalescence et trente-deux mois d’arrêt, j’ai repris le travail…

En 2004, j’ai eu une récidive de mon cancer de la vessie, avec opération, et deux ans de traitement.
En 2007 on m’a découvert une leucémie. Le professeur Fruchart m’a annoncé qu’elle était très grave.

Il m’a proposé un traitement : 10 jours de chimiothérapie 24 heures sur 24, puis 18 jours en chambre stérile, sortie pour la maison, retour pour 8 jours de chimiothérapie, 20 jours de chambre stérile, nouveau retour à la maison, nouvelle chimiothérapie…
Sortie le 20 mars. Tout va bien...

Un bon diagnostic, des soins de qualité, le moral, une famille qui vous soutient, la rage de vaincre la maladie, on peut s’en sortir. J’en suis la preuve vivante, même si la fatigue a souvent été extrême durant ces 14 ans de lutte contre les cancers.

Il m’a fallu 5 ans pour faire reconnaître mon cancer de la vessie en maladie professionnelle (tableau 16 bis) avec un taux d’IPP de 40% en 2002, puis de 80% après la récidive de 2004.
Ma leucémie était aussi due à une exposition professionnelle (au benzène). J’ai fait la déclaration durant mes soins. La maladie a été reconnue trois mois après (tableau N°4) avec taux de 80% en décembre 2007.

Quatre cancers et deux maladies professionnelles !
Venons-en à l’histoire : Le pot de terre, vous l’aviez compris, c’est moi ! Le pot de fer c’est Total, la multinationale où j’ai travaillé 32 ans. J’ai engagé une action en faute inexcusable de l’employeur pour mon cancer de la vessie, avec le cabinet Teissonnière.

Nous avons perdu devant le TASS du Havre. Nous avons fait appel. Avec maître Mélin, mon avocate et Lionel Argentin de l’Adeva 76, nous avons réuni des attestations, construit une argumentation.
Le petit pot de terre n’y croyait pas trop, le pot de fer était coriace. Il avait un très bon avocat. Pourtant, en avril 2010, la cour d’appel de Rouen nous a donné raison !

Quelle joie d’avoir gagné après tout ce temps, toutes ces fatigues, et toutes ces déceptions aussi. C’était presque mission impossible. Je suis le premier chez Total à avoir été reconnu et à avoir gagné la faute inexcusable pour le tableau 16 bis de maladie professionnelle. Total s’est désisté de son pourvoi en cassation.

Un dernier mot, qui devrait être un leitmotiv pour les victimes et leurs ayants droit : « Il n’y a pas de prévention sans sanction ».


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°35 (avril 2011)