Après plusieurs décennies de défense du commerce de ce matériau mortel par le Canada, c’est la Russie qui reprend le flambeau, avec le même cynisme et le même mépris de la vie humaine.

Le déplacement géographique du lobby de l’amiante

Les industriels russes se sont organisés depuis assez longtemps mais étaient jusqu’à présent restés discrets sur le plan international, laissant leurs homologues canadiens clamer leurs mensonges.
Ainsi la procédure lancée par le gouvernement canadien auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour tenter d’annuler l’interdiction de l’amiante avait fait beaucoup de bruit.
Il est moins connu que des « experts » russes ont adressé en septembre 2002 à la communauté Européenne un rapport tentant de faire revenir la CE sur sa décision d’interdire l’amiante – décision qui « affecte négativement l’industrie de l’amiante en Russie ».
Ce rapport intitulé « Jugement sur le problème d’une interdiction totale de l’amiante par un groupe d’experts gouvernementaux russes  » est signé par sept chercheurs soviétiques dont MM. Izmerov et Kovalevskiy. Il tente d’expliquer aux européens qu’ils ne connaissent pas grand chose à l’amiante, alors qu’en Russie, comme au Canada on extrait de l’amiante depuis un siècle donc on connait beaucoup mieux.
Le rapport reconnait des cas de mésothéliome et de cancer du poumon mais insiste qu’en Russie ces cas sont «  beaucoup plus rares que ce qui est décrit dans les médias étrangers », il cite une étude sur les travailleurs d’Uralasbest (la plus grande mine en Russie) 1995-1997 où l’on ne trouve pas d’excès de morbidité et mortalité (aucune référence pour un texte n’est donnée …).

Les industriels russes doivent se sentir un peu orphelin de l’institut du chrysotile canadien.


Passage de témoin

Ces dernières années la production d’amiante a été l’oeuvre de cinq pays :
-  le Canada qui n’en consommait presque plus vient de d’arrêter la production.
-  Le Brésil produit 250 000 tonnes par an, en utilise les deux tiers et exporte le reste.
-  La Russie produit un million de tonnes, en consomme un quart et exporte le reste (vers ses anciens pays satellites et vers l’Asie).
-  Le Kazakhstan produit 200 000 tonnes, en utilise les deux tiers et exporte le reste.
-  La Chine produit 400 000 tonnes et en consomme 600 000 (chiffres approximatifs).

Les stratégies de défense du commerce de l’amiante ont longtemps été élaborées au Canada. Mais ce pays a arrêté l’amiante : les mines sont fermées, l’Institut du chrysotile aussi !
Le Brésil se débat entre les intérêts de la santé publique et les intérêts du groupe Eternit Brasil. La question doit être tranchée par le Suprême Tribunal Fédéral.
Même si plus de la moitié de l’amiante consommé dans le monde l’est en Inde et en Chine, la production et l’exportation est donc concentrée aujourd’hui en Russie.
La charge de défendre cet indéfendable commerce passe donc
des mains canadiennes aux mains russes.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°42 (avril 2013)