LES CONSEILS DU DOCTEUR PRIVET

Quand un radiologue voit la plèvre qui enveloppe le poumon épaissie par une fibrose, son compte rendu de scanner se contente souvent d’évoquer un « épaississement pleural » (sans autre précision), pour décrire l’image qu’il a observée.
Quand un médecin rédige un certificat médical initial pour une déclaration en maladie professionnelle, il doit être beaucoup plus précis, s’il veut éviter que son patient ne rencontre des problèmes pour faire reconnaître sa maladie.

Une double enveloppe autour du poumon

La plèvre qui entoure le poumon est faite de 2 feuillets qui glissent l’un sur l’autre permettant ainsi au poumon de changer régulièrement de volume à l’intérieur de la cage thoracique rigide.
Le feuillet accolé à la paroi est appelé plèvre pariétale et le feuillet accolé au poumon, plèvre viscérale.

Les fibroses pleurales dans le tableau 30

Le terme « d’épaississement pleural » ne figure pas en tant que tel dans la colonne « désignation de la maladie » du tableau des maladies professionnelles N° 30 (alinéa B). Il distingue en effet deux fibroses pleurales :
- d’une part les « plaques pleurales calcifiées ou non »
- d’autre part « l’épaississement de la plèvre viscérale soit diffus, soit localisé. »

Comment identifier ces deux pathologies ?

Les plaques pleurales, qui se développent sur la plèvre pariétale, ont une physionomie caractéristique, qui les rend assez facilement identifiables (voir les images du Bulletin de l’Andeva N°38, pages 26-27).
Mais l’authentification d’un épaississement de la plèvre viscérale peut rencontrer davantage de difficultés.
- Les radiologues considèrent généralement comme « diffus » un épaississement assez étendu. Mais il n’existe pas de consensus dans la communauté scientifique sur la définition exacte d’un « épaississement diffus ».
- pour un épaississement « localisé » le tableau pose une condition supplémentaire : il ne considère l’atteinte de la plèvre viscérale comme prouvée que si l’épaississement provoque des répercussions visibles au scanner sur le parenchyme pulmonaire (le poumon proprement dit).

Les répercussions d’un épaississement sur le poumon

Le tableau 30 B ne reconnaît un épaississement localisé de la plèvre viscérale que « lorsqu’il est associé à des bandes parenchymateuses ou à une atélectasie par enroulement ».
Ces termes rébarbatifs pour un profane sont utilisés par les radiologues pour décrire des images typiques d’atteintes du poumon visibles au scanner.

- Les « bandes parenchymateuses »
Ce sont des sortes de « plis » du tissu pulmonaire qui partent de l’épaississement de la plèvre viscérale. Au niveau des plis, les alvéoles sont tassées sur elles-mêmes, elles ne sont pas ventilées et l’image qui en résulte est une bande qui apparaît blanche sur le scanner (image 1).
On trouve parfois dans les compte-rendus de scanner, la qualification d’image « en pied de corneille », utilisé pour décrire joliment une forme particulière de bandes parenchymateuses évoquant une patte d’oiseau.

- Les « atélectasies par enroulement »,
L’épaississement de la plèvre viscérale entraine dans une sorte de tourbillon une grande quantité d’alvéoles tassées sur elles-mêmes et qui ne sont pas ventilées. Cette atélectasie se traduit au scanner par une masse blanche plus ou moins ronde.

Comment rédiger le certificat médical initial ?

Dès lors, le médecin qui rédige le certificat médical initial (le CMI) aura à cœur, s’il estime qu’il s’agit d’un épaississement de la plèvre viscérale et non pas d’une plaque pleurale, de respecter scrupuleusement les termes du tableau n°30 alinea B.
Si effectivement les épaississements de la plèvre ont des répercussions sur l’architecture du poumon, on comprend aisément qu’ils peuvent entrainer, lorsqu’ils sont importants, un handicap dans la respiration, nommé « déficience fonctionnelle respiratoire » dans le barème d’invalidité maladies professionnelles sécurité sociale, au paragraphe 6.9.

Les conséquences sur la fonction respiratoire

La répercussion fonctionnelle la plus fréquente est une diminution de la CPT (capacité pulmonaire totale) : celle-ci est considérée comme anormale quand elle est égale ou inférieure à 80 % de la valeur moyenne théorique.
Un autre conséquence liée à la présence d’épaississements de la plèvre viscérale, qui souvent se situent en bas du poumon, est une mauvaise ventilation de ce dernier, donc une mauvaise oxygénation.
La conséquence est une baisse de l’oxygène dans le sang, illustrée par la baisse de la PaO2 (pression partielle d’oxygène dans le sang artériel) considèrée comme anormale à partir de 70 mm Hg (mercure) ou moins. La Pa02 peut être abaissée alors que la capacité pulmonaire totale reste normale.


Quel taux d’ipp pour un épaississement de la plevre viscérale ?

Quand il n’y a pas de déficience fonctionnelle, le taux d’IPP (incapacité permanente partielle) ne saurait être inférieur à 5 %.
Quand il y a une altération de la fonction respiratoire un taux supérieur à 5% doit être attibué en tenant compte de la taille et de la situation des épaississements visible au scanner ainsi que de l’importance de la déficience fonctionnelle, mesurée notamment par la CPT et la PaO2.
Si des épaississements importants de la plèvre viscérale entraînent une diminution significative de la CPT il n’est pas exagéré d’estimer que le taux d’IPP doit être de 20% : 10% pour les images et 10% pour la déficience fonctionnelle respiratoire.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°42 (avril 2013)