L’arrêté du 7 mars 2013 précise les obligations des employeurs


Des professionnels et des préventeurs s’interrogent sur l’efficacité de certains masques censés protéger des poussières d’amiante.

L’arrêté du 7 mars 2013 concerne l’entretien et la vérification des équipements de protection individuelle (EPI) pour des opérations comportant un risque d’exposition à l’amiante.
L’arrêté concerne deux types
d’interventions :
- les travaux de retrait ou d’encapsulage de matériaux, équipements, matériels ou articles contenant de l’amiante, y compris en cas de démolition 
(sous-section 3) ;
- les interventions sur des matériels susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante
(sous-section 4).

Les obligations de l’employeur

Il doit s’assurer :
- que les appareils de protection respiratoire (APR) sont adaptés à l’opération et à la morphologie des travailleurs (par un essai d’ajustement) ;
- que les travailleurs sont formés aux règles d’utilisation et d’entretien des appareils de protection respiratoire (APR) ;
- que le nettoyage, le rangement, l’entretien et de la maintenance des APR soient conformes à la réglementation et aux instructions du fabricant.

La nature des vérifications

Avant chaque utilisation, l’état général des APR, leur bon fonctionnement et leur étanchéïté doivent être contrôlés, sous la responsabilité de l’employeur.
Après chaque utilisation les APR doivent être décontaminés. Leur état général doit être vérifié à cette occasion et au minimum tous les 12 mois.
Les dates et la fréquence de changement des filtres des APR doivent être consignées dans le registre de sécurité.
Les consommables sont traités comme des déchets.

Trois niveaux d’empoussièrement

Avant toute activité à risque amiante, l’employeur doit évaluer le niveau d’empoussièrement attendu pour cette opération :
- niveau 1 : inférieur à 100 fibres par litre,
- niveau 2 : supérieur ou égal à 100 fibres par litre et inférieur à 6 000 fibres par litre,
- niveau 3 : supérieur ou égal à 6 000 fibres par litre et inférieur à 25 000 fibres par litre.

Pour les activités de retrait ou d’encapsulage (sous-section 3), l’évaluation du niveau d’empoussièrement est réalisée en deux étapes :
- une évaluation initiale effectuée sur un chantier test,
- un contrôle 3 fois par an du niveau d’empoussièrement de chaque processus.

Les résultats sont consignés dans le document unique de l’entreprise.

Des protections respiratoires pour chaque niveau d’empoussièrement

L’arrêté liste les équipements de protection individuelle utilisables pour chacun de ces trois niveaux.
Il définit la tenue de travail, a minima : vêtements de protection à usage unique fermés au cou, aux chevilles et aux poignets, gants étanches, chaussures décontaminables ou surchaussures jetables.
Pour les protections respiratoires, l’arrêté laisse une marge d’appréciation à l’employeur en fonction de son évaluation des risques.

Pour le niveau 1, pourront être utilisés, un demi-masque filtrant à usage unique FFP3 ou un masque complet à filtres P3, ou APR filtrant à ventilation assistée TM2P avec demi-masque, ou un APR filtrant à ventilation assistée TH3P avec cagoule ou un casque ou un APR filtrant à ventilation assistée TM3P.

Pour le niveau 2, la gamme des équipements de protection utilisables se limite à l’APR filtrant à ventilation assistée TM3P (avec une surpression à l’intérieur du masque) ou à un appareil respiratoire isolant à adduction d’air comprimé à la demande à pression positive.
Pour le niveau 3, la gamme se résume à l’appareil à adduction d’air ou à un vêtement de protection ventilé étanche aux particules.

 


Les appareils de protection respiratoire (APR)

APR filtrants

Ils filtrent l’air de la zone polluée. Leur filtre retient les fibres d’amiante.

A pression négative

Le passage de l’air au travers du filtre est assuré par la respiration naturelle, sans aucune aide. Ils sont réservés aux opérations brèves. Certains sont à usage unique. D’autres sont lavables et réutilisables (à condition de changer régulièrement la cartouche du filtre).

A ventilation assistée (pression positive)

Un ventilateur motorisé augmente le débit d’air respiré et assure dans le masque une surpression qui écarte les poussières susceptibles de pénétrer à la jointure du masque et de la peau.
Le demi-masque protège la bouche et le nez. Un masque complet l’ensemble du visage, une cagoule toute la tête.

APR isolants
(à adduction d’air)

Ils sont généralement reliés à un compresseur par un tuyau qui apporte de l’air non contaminé : l’opérateur est isolé de la zone polluée. La qualité de l’air doit être vérifiée. Certains modèles autonomes sont reliés à des bouteilles.

POUR EN
SAVOIR PLUS :
Les notes de l’INRS
ED 98 et ED 6106 et sont téléchargeables sur Internet

 


MASQUES FFP3 :
une protection très souvent illusoire

Dès que le projet d’arrêté a été connu, des professionnels de la prévention sont montés au créneau pour s’opposer à l’utilisation banalisée de demi-masques filtrants FFP3 pour les expositions de niveau 1 (moins de 100 fibres par litre).
Au vu des résultats de la dernière campagne de mesures en META faite par l’INRS, ils considèrent que ces masques à usage unique ne protègent pas réellement les opérateurs contre les fibres d’amiante dans la quasi-totalité des situations de travail.
Face à cette levée de boucliers, la version finale de l’arrêté précise que l’utilisation de masques FFP3 est réservée à des interventions de moins de 15 minutes au contact de matériaux ou d’équipements contenant de l’amiante.

 

LE TÉMOIGNAGE DE DIDIER
« Le problème c’est la formation »

Didier travaille dans le bâtiment depuis 29 ans. Il est aujourd’hui maître d’oeuvre. L’amiante ? Il connaît. Depuis qu’il en a dans les poumons, sa vie a changé...

« En lisant l’arrêté du 7 mars, explique Didier, j’ai été choqué de voir prévue l’utilisation de masques FFP3 jusqu’à un niveau d’empoussièrement de 100 fibres par litre. On sait très bien qu’ils sont inefficaces.
Il ne faut pas oublier, que dans deux ans la valeur limite d’exposition professionnelle passera à 10 fibres par litre ! Ne pas oublier non plus que dans un nuage de fibres d’amiante, il y a en moyenne 15% de fibres OMS, 17% de fibres fines et 68% de fibres courtes. La réglementation actuelle qui ignore les fibres courtes ne compte donc que 32% des fibres...
 »

Il y a un gouffre entre la réglementation élaborée au sommet de l’Etat et ce qui se passe sur le terrain. « Dans presque toutes les situations de travail, où l’INRS a fait des mesures en microscopie électronique (fibres fines incluses) on dépassait les 100 fibres par litre !
Le gros problème, c’est que beaucoup d’ouvriers ne sont pas assez formés. Quand je lis dans une brochure de l’INRS que ceux qui portent un masque doivent être rasés de près ou que certains masques sont déconseillés aux barbus et aux porteurs de lunettes, je me demande combien le savent et combien lisent les notices sur les chantiers.
Ceux dont le désamiantage est le métier ont suivi des formations, mais beaucoup d’interventions courantes au contact de matériaux amiantés sont faites sans évaluation préalable des risques et des équipements adaptés. L’opérateur va desceller un bloc de porte ou enlever une plinthe, sans même se poser de question sur la présence d’amiante dans les dalamis ou dans la colle
. »


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°42 (avril 2013)