Le Parquet a demandé l’annulation de sa mise en examen, mais aussi celle des principaux responsables de la catastrophe sanitaire : les industriels de l’amiante et les autres membres du Comité permanent amiante (CPA) qui ont accepté de s’en faire les complices.

La juge d’instruction a légitimement considéré que les carences flagrantes des directeurs d’usine n’expliquaient pas, à elles seules, l’ampleur de la catastrophe.
Elle a donc recherché des responsabilités au niveau des pouvoirs publics. C’est ce qui l’a conduit à s’intéresser à l’activité du CPA.

Un comité sans pouvoir ni influence ?

Les personnes mises en examen s’efforcent aujourd’hui de minimiser le rôle du CPA, qu’elles présentent comme une structure informelle, sans pouvoir ni influence.
Cette description contredit le rapport de la mission amiante du Sénat de 2005 qui constatait avec lucidité que le CPA avait « réussi à se voir quasiment déléguer le dossier de l’amiante par le ministère. »
En fait le CPA s’était arrogé en pratique des pouvoirs qui dépassent largement ceux qu’on attribue à une structure «  informelle » :

- le pouvoir d’organiser le chantage à la faillite économique, si les valeurs limites d’exposition aux fibres d’amiante étaient abaissées de façon trop importante, tout en sachant que les valeurs limites retenues ne pouvaient assurer aux salariés une protection efficace contre le risque de mésothéliome.
- le pouvoir d’organiser le torpillage de projets d’interdiction de l’amiante défendue en 1986 par l’Agence américaine de prévention de l’Environnement (EPA) pour les Etats Unis ou en 1989 puis en 1991 par la République fédérale d’Allemagne, pour la Communauté européenne.

Les arguments du Parquet

Une décision de justice devrait se baser sur des éléments prouvant une responsabilité individuelle distincte de la responsabilité générale de l’Etat dans les préjudices causés aux victimes. L’Andeva a indiqué que - dans l’état actuel du dossier - ces éléments font défaut pour Martine Aubry.
Mais, dans l’affaire de Condé-sur-Noireau, le Parquet général - dont la mission est de défendre la société contre ceux qui enfreignent ses règles - requiert l’annulation des mises en examen avec des arguments généraux : Il estime contre toute évidence que l’influence prêtée au CPA n’est pas établie. Il soutient également que la responsabilité des fonctionnaires ne peut être engagée car le pouvoir réglementaire appartient aux ministres.
Ces arguments conduiraient à une amnistie générale non seulement pour les autres dossiers de l’amiante, mais encore pour toutes les affaires de Santé publique !
La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris statuera en juin. Dans les dossiers Eternit et Amisol, sa présidente a été d’une telle partialité que l’Andeva a demandé son dessaisissement, malheureusement sans être entendue.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°42 (avril 2013)