Condé-sur-Noireau, petite ville de Normandie, qui abrita les usines de Ferrodo-Valéo. 5400 habitants, 701 malades et 115 morts dus à l’exposition à l’amiante recensés par l’association pour le dossier de l’instruction. Le nombre de victimes estimées est de plus de 1500. La juge Bertella-Geffroy a mis en examen des anciens directeurs des usines, un médecin du travail, des anciens membres du Comité permanent amiante (CPA) et d’anciens membres de l’administration non membres du CPA, dont Martine Aubry. Vu sa notoriété, les medias n’ont parlé que d’elle. François Martin, le président de l’Aldeva, préfère évoquer d’abord les conditions de travail des ouvriers, les souffrances des victimes et le cynisme des empoisonneurs.

« Les conditions de travail chez Ferodo étaient terribles. Dans les années 70, les salariés mangeaient leur casse-croûte dans des ateliers saturés de poussières d’amiante. Après 10 ans d’usine, ils tombaient malades. Quand l’un d’eux mourait, on disait à l’époque : « il est parti du poumon. »

On l’appelait « la vallée de la mort »

Le danger était connu de longue date. En 1906, un rapport de l’inspecteur du travail Auribault montrait déjà l’existence d’un risque mortel.
La vallée de la Veyre était blanche de poussières d’amiante du 1er janvier au 31 décembre. On l’appelait « la vallée de la mort ».
Condé-sur-Noireau est un lieu phare de la catastrophe sanitaire de l’amiante. Dans cette vallée, il n’a pas une famille où l’amiante n’ait pas pris un mari, un fils, un oncle ou un grand-père qui travaillait chez Valéo.

Vivre sous la menace de la maladie

Maurice Leroux était le vice-président et l’un des fondateurs de l’Aldeva ; En avril dernier il a eu des problèmes respiratoires. Un mésothéliome l’a emporté en trois mois. Son épouse aussi est malade, avec un taux d’incapacité de 50%. Elle-même a perdu sa soeur... Ce n’est malheureusement pas la seule famille décimée par l’amiante. Ici, on vit sous la menace de la maladie.

Perdre à la fois la santé et l’emploi

Aujourd’hui les ouvriers d’Honeywell (ex Ferodo-Valéo) risquent de perdre à la fois leur santé et leur emploi. La double peine ! La direction a annoncé le fermeture de l’usine jugée non rentable au 1er juillet. Elle jette les ouvriers et récupère les machines pour les envoyer en Allemagne. Les machines seront désamiantées, pas les ouvriers.
Elle transforme une de ses usines en décharge d’amiante bon marché. L’Aldeva et l’association « pour une vie sans amiante à Caligny » ont bloqué le projet. On attend la confirmation de l’abandon.
Pour moi la fonction essentielle d’un procès pénal est de répondre à la question : Comment en est-on arrivé là ? Décortiquer les erreurs et les fautes qui ont brisé tant de vies humaines afin de prendre des mesures de prévention qui évitent que les mêmes mécanismes ne reproduisent les mêmes drames. Annuler les mises en examen, ce serait délivrer un véritable « permis de tuer.
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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°42 (avril 2013)