L’histoire du procès pénal de l’amiante a commencé par le dépôt des premières plaintes il y a 16 ans par des victimes.
A ce jour, pas un procureur n’a pris l’initiative de poursuivre les responsables de cette catastrophe sanitaire.
Pendant des années les dossiers ont dormi, éparpillés dans les juridictions locales, entre les mains de juges familiers des délits de droit commun et peu enclins à s’occuper d’un drame de Santé publique, dont l’ampleur les dépassait.
La création en 2004 d’un pôle de Santé publique composé de magistrats spécialisés disposant d’officiers de police judiciaire dédiés fut une avancée.
Mais elle s’est heurtée à l’hostilité de la chancellerie, à l’absence de volonté politique des gouvernements et à une insuffisance criante de moyens.
Des témoins ont été interrogés, des documents saisis, des mises en examen prononcées. Mais l’instruction s’est éternisée. Les victimes de l’amiante ont été les premières à souffrir.
Avec la mutation subie par la juge Bertella-Geffroy, le non lieu dont a bénéficié le dernier PDG d’Amisol et les demandes d’annulation des mises en examen dans le dossier de Condé-sur-Noireau, la situation devient critique. C’est aujourd’hui que se joue l’avenir du procès pénal de l’amiante et de bien d’autres affaires de Santé publique.
Notre société est-elle capable de tirer les leçons d’une catastrophe sanitaire majeure pour en éviter d’autres ? Aura-t-elle le courage de rechercher et de sanctionner tous les responsables : les industriels mais aussi ceux qui s’en sont faits les complices au sein du comité permanent amiante et dans la haute administration ?
Telle est la question posée à toute la société par le combat des victimes de l’amiante.


Les témoignages d’une veuve française et d’une veuve italienne
Pourquoi ce procès pénal est-il si important ?

« Elles ont été indemnisées, mais qu’est-ce qu’elles veulent de plus ? »
se demandent ceux qui font semblant de ne pas comprendre.
Deux veuves de l’amiante ont déjà répondu à cette question : Chantal
(de Dunkerque) dans une lettre au Président Sarkozy et Romana
(de Casale Monferrato) dans une interview pour le Bulletin de l’Andeva. C’était en 2009, trois ans avant le premier verdict du procès de Turin.


CHANTAL PAKOSZ
« Je veux ce procès pour la mémoire de mon mari »

« Monsieur le Président,

Mon mari, Sylvain, a travaillé plus de 40 ans pour Arcelor Mittal à Dunkerque. Il n’a pas bénéficié de sa retraite, il est mort à 54 ans d’un mésothéliome dans d’atroces souffrances physiques et morales. Rien ne sera plus jamais comme avant.
En 2004, nous étions 140 veuves à l’Ardeva qui demandions un procès pénal de l’amiante. Aujourd’hui, nous sommes plus de 400.
Je le veux ce procès pour la mémoire de mon mari, comme d’autres veuves qui vous ont écrit et dont les lettres sont restées sans réponse. Je sais que les responsables de cette catastrophe sanitaire et leurs amis du lobby de l’amiante feront tout pour l’empêcher.
Je suis allée le 6 juin 2009 à Turin avec d’autres veuves pour l’ouverture du procès pénal contre Etemit. Pourquoi ce qui est possible en Italie ne le serait pas en France ? Ces empoisonneurs ont fait mourir nos maris, brisé nos vies et celles de nos enfants ! Ils doivent être jugés.
 ».


ROMANA BLASOTTI PAVESI
« Je veux la justice, je ne lâcherai jamais »

« Ce que nous voulons, c’est la Justice. Il n’est pas juste de mourir à cause de son travail.
C’est une tragédie de voir mourir tant de personnes, des ouvriers mais aussi des victimes environnementales. Il faut faire connaître les souffrances de toutes ces victimes. Un tel drame ne doit plus jamais se produire.
Cela fait trente ans que je me bats. J’ai perdu cinq membres de ma famille, dont mon mari (il y a 28 ans), ma fille, une cousine... Seul mon mari avait travaillé dans l’amiante.
L’espoir de ce procès, je l’ai depuis toujours et je suis concaincue qu’il va aller jusqu’au bout.
Mon combat est encore plus fort depuis le décès de ma fille, je veux la justice. Je ne lâcherai jamais.
Je n’ai pas de rancoeur envers les accusés, mais il est juste qu’ils répondent de leurs actes devant la justice.
Ils ont une dette envers la société. Ils n’avaient pas le droit de faire ce qu’ils ont fai
t. »

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°42 (avril 2013)