Mutation de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui instruisait l’affaire de l’amiante depuis 10 ans. Réquisitions du parquet demandant l’annulation des mises examens des industriels et administratifs ayant participé au sinistre Comité Permanent Amiante. Deux grosses pierres ont été mises en travers du chemin du procès pénal, en ce début d’année 2013. Si la coïncidence des deux évènements est fortuite, le message est bien le même : Circulez, il n’y a rien à juger !

La mutation de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy résulte certes de l’application de la règle des dix ans qui limite la durée de l’exercice de la fonction de juge d’instruction dans un même tribunal. Mais il s’agit d’une application fort discutable la loi, car la règle en question ne s’applique pas aux magistrats qui étaient déjà en fonction au moment de l’entrée en vigueur de loi, ce qui est le cas de madame Bertella-Geoffroy …

En fait la règle des dix ans arrive opportunément pour justifier une décision politique : pas question de garder cette juge qui détonne dans le paysage en défendant l’idée que les catastrophes sanitaires relèvent bien du pénal et que la responsabilité des « décideurs » doit être recherchée. Une idée dont le monde politique, toutes tendances confondues, ne veut pas entendre parler.

Le parquet est exactement sur cette ligne : dans le dossier de Condé sur Noireau, il a demandé l’annulation de toutes les mises en examen liées au Comité Permanent Amiante, sans distinction : des administratifs aux industriels en passant par les experts ! Pour le parquet, il n’y a pas d’affaire de l’amiante à juger. Les preuves qui figurent dans le dossier et qui pour certains des mis en examen sont accablantes, il s’en moque. Il ne veut tout simplement pas entendre parler des responsabilités nationales. Pour lui, les poursuites doivent se limiter à quelques chefs d’entreprises qui n’ont pas respecté la réglementation en vigueur. Point final.

Mais la responsabilité du drame l’amiante ne se limite évidemment pas à celle des chefs d’entreprises ou directeurs d’usines qui n’ont pas pris les mesures de sécurité. Il y a à l’origine de ce drame une organisation, qu’il faut bien qualifier de « criminelle », des industriels de l’amiante. Il se sont organisés, au travers notamment du Comité Permanent Amiante, pour désinformer sur les risques, éviter les réglementations de protection des travailleurs trop contraignantes, et s’opposer à l’interdiction de l’amiante. Les principaux responsables de la catastrophe sanitaire, ce sont eux, les industriels qui ont mis en place cette organisation et leurs complices : tous ceux, notamment les administratifs et experts, qui y ont participé en toute connaissance.

Ces responsables doivent impérativement être jugés. Ce qui est possible de l’autre côté des Alpes doit l’être de ce coté aussi. Mais pour y parvenir nous devrons continuer à lutter pied à pied. Le procès ne nous sera pas offert, nous devrons l’arracher des mains de tous ceux qui veulent qu’il ne se tienne pas, et ils sont nombreux et puissants.

Pierre PLUTA
Michel PARIGOT


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°42 (avril 2013)