Condamné pour faute inexcusable de l’employeur, Latty international obtient une ristourne de 50% payée par les contribuables !

Les industriels de l’amiante auraient-ils trouvé un bon moyen d’alléger leur facture pour l’indemnisation des victimes et de leurs familles ? On peut se poser la question au vu du jugement rendu le 27 mai dernier par le tribunal administratif d’Orléans.
Jugé coresponsable, l’Etat devra rembourser à Latty international, la moitié des sommes que l’industriel fautif avait été condamné à verser aux ayants droit d’un de ses salariés décédé d’un cancer professionnel lié à l’amiante, soit 350.000 euros.

Les faits

En 2008, un salarié qui avait travaillé de 1973 à 1989 chez Latty international meurt d’un cancer professionnel lié à l’amiante. Sa famille engage une action en faute inexcusable de l’employeur. Le 11 octobre 2012, la cour d’appel de Versailles condamne l’entreprise à rembourser à la Caisse primaire d’assurance-maladie près de 170.000 euros d’indemnités et 550.000 euros de majoration sur la rente versée pendant six ans par la CPAM aux ayants droit du salarié décédé.
L’entreprise décide alors d’attaquer l’État en justice et... obtient gain de cause.

l’Etat « coauteur »
du dommage

Le tribunal administratif d’Orléans a considéré que ll’Etat était coresponsable du décès et l’a condamné à rembourser à Latty la moitié des sommes versées et à venir, soit plus de 350.000 euros au total !
Les juges estiment que «  depuis le milieu des années 1950, les pouvoirs publics ne pouvaient plus ignorer que l’exposition aux poussières d’amiante présentait de graves dangers pour la santé des travailleurs. ».
L’amiante n’étant pas interdit, ils estiment que « la société requérante (...) a respecté la réglementation »...

Une demande
indécente

« Ce raisonnement oublie l’essentiel, estime maître Michel Ledoux. Si l’Etat a tant tardé à interdire l’amiante, c’est d’abord sous la pression des industriels  !  »
Il y a effectivement quelque chose d’indécent dans cette demande de « participation aux frais  » adressée aux contribuables par des industriels qui ont multiplié les pressions sur l’État pour prolonger l’utilisation d’un matériau mortel dont ils dissimulaient sciemment le danger. Ces gens-là ont fait fortune en semant la maladie et la mort autour d’eux.
Ce n’est qu’un jugement en première instance. Mais l’affaire est suivie de près par les avocats des employeurs. L’Andeva se constituera en tierce opposition pour le procès en appel.


QUAND CYRIL X. LATTY RASSURAIT L’OPINION PUBLIQUE
« seulement quelques dizaines de victimes en cinquante ans... »

« L’amiante est un matériau utile. Irremplaçable dans certains emplois. Il nécessite précautions et discernement. Ni plus ni moins que la plupart des matériaux », écrivait en 1980 Cyril X. Latty, alors président de l’Association française de l’amiante, dans la préface d’une brochure intitulée «  Amiante, l’industrie rend compte de 5 années de travail  ».

Il ajoutait : « Même si aucune statistique n’est actuellement disponible, on peut évaluer à quelques dizaines en cinquante ans (sic) le nombre de victimes. C’est trop. Une seule serait trop. Mais comment expliquer ce déchaînement de passions aveugles et sourdes, lorsque l’automobile tue chaque année 12 500 français, le tabac 70 000, l’alcool 70 000, les accidents du travail environ 2000 ? »

« En présence d’une hostilité déclarée et devant le déferlement des affirmations fausses, certains industriels manufacturiers de l’amiante ont parfois été tentés de baisser les bras et de dire  : « nous ne sommes pas des assassins. Si c’est ainsi qu’on nous traite, fermons les usines  !   » Ils ne l’ont pas fait et je les en félicite. »

Michel Damas, adhérent de l’Adeva Centre et ancien de chez Latty, se souvient  : «  J’étais élu au CHSCT dans les années 1970. La direction nous répétait que les risques étaient « minimes ». Au même moment, en 1971, elle participait à une conférence internationale à Londres, où étaient confirmés les risques de cancers dus à l’amiante. »

Combien de collègues accompagnés au cimetière, victimes de ce matériau «  irremplaçable  » ?


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)