Les derniers chiffres de l’Institut national de veille sanitaire sont terribles :
L’amiante a déjà causé entre 61 300 et 118 400 décès entre 1955 et 2009. Entre 2009 et 2050, elle devrait encore tuer de 68 000 à 100 000 êtres humains atteints d’un cancer bronchopulmonaire ou d’un mésothéliome. Sans compter ceux qu’emportera un cancer du larynx, de l’ovaire ou du côlon lié à l’amiante.
Les industriels ont dit que l’amiante était un matériau «  bon marché ». Quand on voit le coût humain de cette hécatombe et le coût social du retrait de 20 millions de tonnes de matériaux amiantés en place, on mesure le cynisme d’un tel propos.
Voilà l’héritage que laissent les industriels de l’amiante aux générations futures !

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L’Andeva défend les droits des victimes de l’amiante qui ont été contaminées il y a trente ans. C’est sa mission première, même si elle sait que l’argent ne remplacera jamais une vie ou une santé perdue.
Mais elle se bat aussi pour que les empoisonneurs responsables de ce désastre soient jugés au pénal et pour que demain personne ne meure de l’amiante. Deux volets complémentaires et indissociables de son action.

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Or, en cette rentrée 2014, dix-huit ans après l’interdiction de l’amiante en France, ces combats sont loin d’être gagnés et l’on voit même se profiler des risques de retour en arrière.

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Dans le cadre d’un plan d’économies de 50 milliards, le gouvernement a annoncé des mesures qui impactent directement la santé au travail : gel des rentes maladies professionnelles, report d’une partie du dispositif pénibilité, réduction drastique des subventions accordées aux consultations de pathologies professionnelles... Elles sont inacceptables.
Dans ce contexte, nous devrons intervenir pour que l’ouverture d’une voie d’accès individuelle complémentaire à la cessation anticipée des travailleurs, ne soit ni reportée « pour cause d’économie » ni « échangée » contre remise en cause du dispositif existant.

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Et qu’en est-il du procès pénal que les victimes de l’amiante attendent depuis 18 ans ?
En novembre, à Rome, la Cour de cassation italienne rendra un arrêt dans le premier procès Eternit et déjà s’annonce un procès «  Eternit-bis » dont l’instruction est close.
En France l’instruction s’éternise et Joseph Cuvelier, grand patron d’Eternit, est mort cet été avant d’avoir été jugé.
La mise en examen du patron d’Amisol est rétablie, mais, celle des lobbyistes du CPA et des membres de la Haute administration est loin d’être acquise pour Jussieu et Condé-sur-Noireau. La chambre de l’instruction résiste à la Cour de cassation avec l’appui du Parquet  ! Nous attendons toujours que la Garde des sceaux donne des instructions de fermeté dans les affaires de santé publique...
Quel avenir pour nos enfants, si tous les responsables d’un tel désastre ne rendent pas des comptes à la justice ?

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Le Comité de suivi « amiante » du Sénat propose à juste titre de «  faire de la prévention du risque amiante une priorité nationale ». Mais il faut pour cela des moyens et une volonté politique tenace.
Que va faire le gouvernement sur la seuil de gestion de l’amiante dans les bâtiments  ? Suivre l’ avis de l’Agence de sécurité sanitaire qui recommande de l’abaisser à 0,5 fibres d’amiante par litre d’air ou celui du Haut conseil à la santé publique qui recommande de ne rien changer jusqu’en 2020 ? Cette décision aura valeur de test.
Ce que demandent les victimes de l’amiante au gouvernement c’est qu’il donne une priorité à la Santé, à la Vie et à la Justice. Ce n’est pas en faisant des concessions au Medef qu’il y parviendra.

Pierre Pluta
Alain Bobbio


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)