L’Andeva dépose plainte contre l’« expert » de la copropriété pour diffusion de fausses informations


Le seuil réglementaire de 5 fibres d’amiante par litre d’air ayant été dépassé pas moins de 72 fois au sein de la Tour Montparnasse sur une période de trois ans et demi, le préfet avait ordonné le 13 août 2013 la réalisation d’une «  expertise indépendante » visant notamment à « vérifier l’hypothèse d’émission de fibres d’amiante par les gaines verticales  ». Les copropriétaires l’avaient confiée à André Jacq, gérant de plusieurs sociétés intervenant dans le secteur de l’amiante pour les diagnostics, la formation et l’ingénierie.Ce dernier avait affirmé que les gaines de désenfumage ne contenaient pas de produit amianté. Mais, quand le Dossier technique amiante a prouvé le contraire, il a soutenu publiquement que ces informations étaient connues de longue date.

Dans son rapport remis en janvier 2014, André Jacq avait considéré - sans faire la vérification - que les gaines de désenfumage ne contenaient pas de produit amianté et exclu en conséquence qu’elles puissent être une « source d’émission » de pollution.
Il affirmait qu’elles n’étaient qu’un «  vecteur de transfert » de pollutions et que les pollutions constatées étaient dues à une mauvaise
organisation des chantiers de
désamiantage.

Cela lui permettait de conclure, comme le souhaitaient les copropriétaires, qu’il n’y avait pas besoin d’évacuer la Tour Montparnasse pour la désamianter et qu’on pouvait la maintenir en fonctionnement sans risque pour les occupants.
La mise à jour du dossier technique amiante (DTA) exigée par le préfet a été remise à la mi-novembre.
Réalisée par la société STM, elle a infirmé les hypothèses fondant le rapport d’André Jacq : les gaines de désenfumage contiennent de l’amiante (pas seulement sous forme de poussières, mais de produits amiantés) et sont donc une source potentielle d’émission de pollution.

« Rien de nouveau » sous le soleil ?

Réagissant à cette information donnée par Le Figaro le 5 décembre, André Jacq, devenu conseil des copropriétaires, a déclaré dans une dépêche AFP du 8 décembre : « Il n’y a rien de nouveau et l’évacuation n’est pas du tout une question qui se pose ».
« Si on parle précisément des gaines de désenfumage, les informations qui sont portées dans ce rapport sont des informations qui sont connues depuis 2010. La mise en forme précise dans le DTA qui va être remis ce mercredi à la préfecture ne fait que formaliser cette connaissance ».
Or ceci est entièrement faux !
La présence de matériau amianté dans les gaines de désenfumage est bien une information nouvelle qui contredit ce qu’André Jacq avait lui-même déclaré il y a un an.
N’écrivait-il pas dans son rapport d’expertise de janvier 2014 que « les gaines d’air verticales de désenfumage par opposition aux gaines techniques ne contiennent pas selon les sources du DTA d’amiante dans leur constitution » ?
N’avait-il pas déclaré dans Le Parisien, en décembre 2013 que « les gaines ont été souillées mais ne contiennent pas en elles-mêmes de produits amiantés » ?

La diffusion de fausses informations est punie par la loi

La présence de matériau amianté dans les gaines de désenfumage est aussi une information essentielle qui change le diagnostic sur les mesures à mettre en œuvre et repose la question de l’évacuation de la tour.
La diffusion de fausses informations en cette matière en invoquant le titre d’« expert », est extrêmement grave.
L’Andeva a donc décidé de porter plainte contre André Jacq pour cette diffusion de fausses informations  : il s’agit du délit de «  diffusion de fausses nouvelles » prévu par l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881.
L’Andeva ne peut accepter qu’on continue à exposer des milliers de salariés dans la Tour Montparnasse sur la base de recommandations d’un « expert » qui travestit la réalité du risque dans le bâtiment et conforte le choix aberrant des copropriétaires : un désamiantage par petits bouts en présence des salariés qui conduit à des pollutions récurrentes des locaux.Elle ne peut accepter qu’on privilégie les intérêts des propriétaires au détriment de l’exposition et de la santé des occupants.

Des activités à professionnaliser et moraliser

Au delà du cas de la Tour Montparnasse, l’Andeva souhaite alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de professionnaliser et de moraliser les professions liées au repérage, à l’évaluation des risques et aux préconisations de traitement de l’amiante dans les bâtiments. Cette tour n’est malheureusement pas un cas isolé : la prévention du risque amiante dans les bâtiments pâtit de l’absence de contrôle réel de la compétence et l’indépendance des acteurs en charge de ces tâches.


En finir avec les conflits d’intérêts

Le Code de la construction et de l’habitation prévoit que la personne qui assure le repérage ne doit avoir aucun lien ni avec le propriétaire, ni avec les entreprises pouvant réaliser des travaux (article L 271-6).
Jusqu’en 2011, une troisième condition était incluse dans le Code de la santé publique : l’entreprise assurant le repérage/diagnostic «  ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance avec une entreprise susceptible d’organiser des travaux de retrait ou de confinement des matériaux et produits contenant de l’amiante  »
(article R1334-29).

Il était donc interdit à une même personne de faire un repérage/diagnostic et de d’organiser des travaux.
Cette disposition a été effacée par le décret du 3 juin 2011 sur « la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis ». L’article R1334-29 du code de la Santé publique a été remplacé sans information ni explication par l’article R1334-23 où ne figure plus cette condition.
La réglementation devrait interdire explicitement à la même personne de faire du repérage/diagnostic et de la maîtrise d’oeuvre. Ces fonctions doivent être considérées comme strictement incompatibles (on ne saurait être à la fois juge et partie). Une lacune sur un point aussi important dans la réglementation risque d’ouvrir la porte à toutes les dérives.



Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°47 (janvier 2015)