Selon les derniers chiffres disponibles (année 2012), 11500 nouveaux cas de cancer du rein sont détectés par an, ce qui représente 3 % des cancers. Il se situe au 6ème rang des cancers chez l’homme et au 9ème rang chez la femme.
Environ 4000 personnes meurent chaque année de cette maladie. Les hommes sont 2 fois plus touchés que les femmes. C’est un cancer qui survient surtout après 60 ans. Le nombre de nouveaux cas de cancer du rein augmente régulièrement chaque année.


Les facteurs de risques

Il existe plusieurs facteurs de risque notables et parmi ceux-ci des facteurs de risque d’origine professionnelle. Nous n’avons pas de données sur la proportion de cancers du rein attribuables à une exposition professionnelle.

Le rein est un organe complexe

Chaque rein est composé d’un million d’unités fonctionnelles appelés « néphrons » (voir schéma). Le néphron est composé du « glomérule » (une sorte de filtre) et du « tubule » (machine à trier), constitué par un long conduit (bout à bout, cela fait 70 km).
Le glomérule filtre le plasma (il s’agit du sang débarrassé des globules qu’il contient), mais à l’état normal il ne laisse pas passer aussi les grosses molécules véhiculées dans le plasma comme l’albumine. Il filtre ainsi près de 200 litres par jour. Le tubule fait un tri et réinjecte dans le sang du liquide ainsi qu’un certain nombre de produits qui ont passé le filtre.
Par ce système sont éliminés dans les urines un certain nombre de déchets, dont l’urée est le chef de file, ainsi que les toxiques que l’organisme aura pu absorber.
Le rein règle le volume de l’eau dans l’organisme et la teneur en sels, sachant que l’organisme est composé au 2/3 d’eau salée (chlorure de sodium) mais que d’autres molécules sont concernées comme le calcium, le potassium.

Les produits se retrouvent dans les urines

En matière de toxicologie et notamment de toxicologie industrielle, les produits absorbés par l’organisme se retrouvent dans les urines où l’on peut alors mesurer leur quantité et voir s’ils sont en quantité excessive. C’est le principe de base de la « surveillance biologique  » en médecine du travail. Lors de leur passage certains toxiques vont provoquer des dégâts au niveau des structures qu’ils traversent et notamment des cancers.

80% des cancers du rein sont des adénocarcinomes

On parle d’adénomes à cellules claires (ou tumeur de Grawitz). Ils se développent à partir du revêtement des tubules. Le cancer se manifeste au départ par du sang dans les urines, des douleurs lombaires ou l’apparition d’une masse dans la région lombaire. Mais un certain nombre est de découverte fortuite, à l’occasion d’examens d’imagerie médicale pratiqués pour d’autres raisons.

le scanner, un bon outil de repérage

La pratique du scanner thoracique, débordant sur l’abdomen (voir image ci-dessus), pour le dépistage des lésions liées à l’amiante, permet régulièrement de détecter un cancer du rein qui ne s’est pas manifesté jusqu’alors par des signes cliniques, augmentant ainsi les chances de survie, puisque le traitement intervient très tôt.

un traitement chirurgical de la maladie

Ce traitement consiste à ôter le rein malade, mais de plus en plus les chirurgiens essaient, dans la mesure du possible, d’enlever uniquement la tumeur en préservant la partie du rein qui reste saine. Le taux de survie à 5 ans après la détection du cancer est de 60 %.

les facteurs extra- professionnels

Ce sont le tabac, l’obésité, l’hypertension artérielle, la dialyse (notamment rein artificiel) mise en œuvre parce que les reins ne fonctionnent plus, en raison d’une atteinte par d’autres maladies.

Le facteur de risque professionnel le plus important : le Trichloréthylène

Le trichloréthylène fait partie de la famille des solvants chlorés, dont fait également partie le perchloréthylène de toxicité comparable au trichloréthylène, utilisé par le passé pour le nettoyage à sec dans les pressings, mais objet d’une interdiction progressive depuis 2013. Le trichloréthylène a été abondamment utilisé par le passé comme dégraissant dans de multiples usages et notamment dans le dégraissage des métaux.
Le trichloréthylène a été classé en 2012 par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), émanation de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), comme un cancérogène avéré pour l’homme (groupe 1) à la suite d’une réévaluation des études épidémiologiques. La synthèse est disponible dans la monographie 106, accessible sur Internet, mais en anglais. Une traduction est disponible au siège de l’ANDEVA. L’utilisation du trichloréthylène comme dégraissant devrait être rapidement abandonnée et substituée par des solvants moins dangereux dans le cadre de la réglementation des substances CMR (substances cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction) intégrée dans le Code du travail (article R4412-59 et suivants).
Les autres facteurs de risque de cancer identifiés sont l’arsenic, le plomb, le cadmium, les produits pétroliers et les hydrocarbures polycycliques aromatiques (émanation du goudron chauffé)

Le lien entre cancer du rein et exposition à l’amiante

Les fibres d’amiante inhalées et ingérées sont éliminées par les voies urinaires. On a trouvé des fibres dans les urines des travailleurs de l’amiante et des populations qui boivent de l’eau de distribution ayant traversé des terrains amiantifères.
Plusieurs études estiment qu’il y a un lien entre cancer du rein et exposition à l’amiante. Malgré cela, le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) n’a pas intégré le cancer du rein dans sa réévaluation sur l’amiante et les sites de cancers autres que le poumon et la plèvre (monographie 100 C).


Comment faire reconnaître un cancer du rein ?

Le cancer du rein n’est pas mentionné dans les tableaux des maladies professionnelles, alors qu’il devrait l’être au moins pour l’exposition au trichloréthylène. Il convient donc de faire une démarche dans le système complémentaire, en soumettant le dossier au CRRMP (Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles),. Pour une maladie hors tableau, il n’y a pas de reconnaissance si le taux d’IPP prévisible est inférieur à 25 %.

Si l’exposition au trichlo est l’exposition principale à faire valoir avec des preuves solides, il ne faut pas négliger les autres facteurs de risque professionnels, en insistant sur le fait que dans le cadre d’une multi-exposition, les effets des différents toxiques s’additionnent et peuvent même se multiplier.

Un certain nombre de cancers du rein ont déjà été reconnus par le système complémentaire. Le niveau d’indemnisation est plus aléatoire car le cancer du rein n’est pas prévu dans les barèmes des accidents du travail et des maladies professionnelles et qu’on ne saurait réduire les conséquences de ce cancer à une simple néphrectomie, suite à un accident du travail. L’indemnisation d’un cancer du rein devrait s’aligner par analogie sur celle d’un cancer du poumon ou d’une leucémie, dont le taux plancher est de 67 %.

L.P.


Le Tribunal des affaires de la Sécurité sociale (TASS) de Metz a reconnu la faute inexcusable de l’employeur pour un cancer du rein d’un salarié ayant travaillé dans le secteur des chemins de fer des Charbonnages de France. Marcel Nicolaus, le président de l’ADEVAT-MP de Saint Avold, qui défend ce dossier depuis 2008, souligne l’importance de cette gagnée de haute lutte : « Il a d’abord fallu démontrer l’origine professionnelle de ce cancer (les produits utilisés dans l’entreprise). Puis il a fallu contester le taux d’IPP attribué par le service médical (5% pour un cancer !) d’abord devant le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) qui a accordé un taux de 30%, puis devant la Cour nationale de l’incapacité (CNITAAT) qui a confirmé les 30%. Puis il a fallu faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. Six ans pour en arriver là... de tels délais sont révélateurs des difficultés pour faire reconnaître et indemniser les cancers professionnels. Un véritable parcours du combattant. »

A.B.


Le 5 décembre 2014, le TASS de Nantes a reconnu l’origine professionnelle de la maladie d’un docker décédé à 56 ans d’un cancer du rein et de la thyroïde. Il a estimé que la multi-exposition aux poussières et à des produits toxiques et cancérogènes chargés et déchargés dans le port de Nantes « a eu un rôle causal direct et essentiel dans la survenance de ses pathologies ». Une première dans la profession. Le dossier était défendu par l’Association pour la protection de la santé au travail des métiers portuaires.

A.B.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°47 (janvier 2015)