La « carence fautive » de l’État français et du gouvernement calédonien reconnue à Nouméa

Par un jugement du 11 décembre 2014 le tribunal administratif de Nouméa a condamné solidairement l’Etat français et le gouvernement calédonien à verser une indemnisation complémentaire à un ancien salarié de la Société Le Nickel (SLN) victime de l’amiante, déjà partiellement indemnisé par le tribunal du Travail de Nouméa.
François Lafforgue, avocat de la victime, demandait que soient reconnues comme « carences fautives  » l’absence de réglementation efficace sur la prévention dans la période d’exposition et l’absence d’indemnisation des victimes calédoniennes par le Fiva jusqu’à ce jour.
Le tribunal a fait droit à la première demande, mais pas à la seconde, jugeant qu’il était « loisible  » à la Nouvelle Calédonie «  de ne pas mettre en place un dispositif d’indemnisation des victimes de l’amiante et de ne pas conclure une convention avec le Fiva  ». La lutte pour que les victimes calédoniennes puissent être indemnisées de tous leurs préjudices par le Fiva continue.

En mai 2009, une ordonnance de Nicolas Sarkozy a autorisé le Fiva à gérer l’indemnisation des victimes de l’amiante pour le compte de la Nouvelle Calédonie. Cinq années ont passé et les victimes calédoniennes ne sont toujours pas indemnisées par le Fiva.

Victimes d’une double inégalité

«  Nous avons transmis 42 dossiers de victimes de l’amiante. Seuls deux retraités contaminés en métropole ont été indemnisés. Aucune victime calédonienne contaminée sur place ne l’a été, disait André Fabre le président de l’Adeva NC en septembre 2013 dans le Bulletin de l’Andeva. Il y a une double inégalité  : entre les victimes de métropole que le Fiva indemnise et les victimes calédoniennes qu’il n’indemnise pas ; mais aussi chez les victimes calédoniennes entre les victimes professionnelles qui touchent au moins une indemnisation de la CAFAT [la Sécu calédonienne] et les victimes environnementales qui n’ont rien. C’est le résultat de l’omerta qui a régné sur l’amiante et l’industrie du Nickel. »

Une injustice reconnue par le médiateur de la République

L’Adeva NC et l’Andeva sont intervenues à de multiples reprises pour demander que soit mis fin à cette discrimination.
Quand il était médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, avait soutenu cette demande et écrit en ce sens au Président du Gouvernement calédonien, sans obtenir de résultat.
Saisie par un adhérent de l’Adeva NC, la cour d’appel de Nouméa a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

L’action d’une victime de l’amiante de la SLN

C’est dans ce contexte particulier qu’il faut comprendre l’action devant le tribunal administratif de Nouméa.
Elle a été engagée après l’envoi d’une lettre à l’Etat français et au gouvernement calédonien les mettant en demeure de débloquer l’indemnisation des victimes calédoniennes par le Fiva et les avertissant qu’en l’absence de réponse les juridictions administratives seraient saisies.
La procédure a été engagée par une victime de la socité Le Nickel (SLN), partiellement indemnisée par la CAFAT pour sa maladie professionnelle.
Elle a réclamé une réparation intégrale de ses préjudices à l’Etat français et au gouvernement calédonien en raison d’une double « carence fautive  »  : en matière de prévention des risques et en matière d’indemnisation par le Fiva.

Condamnés solidairement

Le tribunal a condamné «  solidairement  » l’Etat et la Nouvelle Calédonie à verser à la victime un million de francs CFP (8300 euros environ) et 150 000 francs CFP (1200 euros environ) en application du Code de justice administrative.
Il a retenu la «  carence fautive » en raison des «  insuffisances  » des administrations métropolitaines et calédoniennes en matière de prévention «  au regard des risques courus par les travailleurs durant cette période  ».
En revanche il n’a pas suivi la demande de la victime et de l’Adeva NC sur le Fiva, en jugeant qu’il « était loisible à la Nouvelle Calédonie de faire le choix de ne pas mettre en place un dispositif d’indemnisation des victimes de l’amiante et de ne pas conclure une convention avec le Fiva ».
La lutte pour que toutes les victimes calédoniennes soient indemnisées de tous leurs préjudices par le Fiva continue.

La responsabilité de l’employeur

La responsabilité des gouvernements est évidente, mais on ne saurait occulter celle de l’employeur.
L’Adeva NC suit une cinquantaine de dossiers de salariés contaminés par la Société Le Nickel (SLN), filiale d’Eramet dont le siège est dans la Tour Montparnasse et dont les filiales (Comilog, Aubert et Duval) ont déjà été condamnées pour «  faute inexcusable  ». Sa responsabilité ne doit pas être oubliée, ni sa contribution financière réduite.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°47 (janvier 2015)