Dix-neuf ans après le dépôt des premières plaintes au pénal. L’année 2014 s’est terminée sans que, dans aucun des dossiers en cours, l’instruction ne soit terminée et l’affaire renvoyée en correctionnelle. En 2013 et 2014, deux hauts responsables de l’industrie de l’amiante (Cyril X. Latty et Joseph Cuvelier), décédés sans avoir jamais comparu, ont échappé à la Justice des Hommes. La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris résiste à la Cour de cassation et continue ses tirs de barrage avec le soutien du parquet. Dix-neuf ans après les premières plaintes, on ne sait toujours pas qui sera jugé ni à quelle date !
Le procès Eternit aura-t-il lieu en 2015 comme annoncé ? Dans les dossiers Jussieu, Condé et Normed, les mises en examen se limiteront-elles aux chefs d’établissements ou inclueront-elles des membres du CPA et de la haute administration ? La chambre de l’instruction suivra-telle le parquet qui réclame une nouvelle fois un non lieu pour le dernier patron d’Amisol ? Tels seront dans les prochains mois les enjeux de la bataille judiciaire pour le procès pénal de l’amiante.

 


Eternit : Bientôt un procès ? (sans Cuvelier)

Dans toutes les usines d’amiante-ciment d’Eternit, on retrouvait le même empoussièrement des ateliers, la même absence d’information et de protection du personnel, la même distribution des rebuts de fabrication et la même contamination environnementale.
A Thiant, Vitry-en-Charollais, Port-de-Bouc ou Albi les tombes des victimes de l’amiante confirment l’ampleur de ce crime industriel.
Suite aux arrêts de la Cour de cassation désavouant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, les directeurs d’établissements sont remis en examen, mais Joseph Cuvelier, PDG d’Eternit France, a quitté la partie. Les lenteurs de l’instruction lui auront permis, en mourant, d’échapper à la justice des hommes.
Après ce décès puis le verdict de la cour de cassation à Rome, on imagine l’amertume des victimes et des familles qui voulaient que les responsabilités soient recherchées « tout en haut  » de la hiérarchie, là où se décidait la stratégie industrielle du groupe et pas seulement au niveau des chefs d’établissements qui la mettaient en pratique sans état d’âme.
L’instruction du dossier se poursuit avec de nouvelles auditions. La perspective d’un procès pénal Eternit semble se rapprocher, sans qu’on puisse encore fixer de délai. Les faits sont accablants. Mais les mis en examen persisteront sans doute à nier toute responsabilité et à décrire les usines Eternit comme de petits paradis d’air pur.

 


CONDÉ - JUSSIEU :
Le Parquet veut mettre hors de cause le CPA et la haute administration

La Justice va-t-elle rechercher et punir tous les responsables : les chefs d’entreprises mais aussi les lobbyistes du Comité permanent amiante (CPA) et les décideurs publics ?
C’est la question posée par les dossiers de Condé-sur-Noireau et Jussieu.
Ferodo-Valéo a fait de Condé une ville-martyre de l’amiante. Dans cette « vallée de la Mort »,
l’Aldeva a recensé plus de 700 malades et 115 morts pour le dossier de l’instruction (le nombre réel atteint sans doute le double).

A Jussieu, le campus était bourré d’amiante. Le danger était connu. Rien n’a été fait en 20 ans. Résultat  : 162 maladies professionnelles, avec 41 cancers dont 11 mésothéliomes.
Dans ces deux dossiers des mises en examen avaient été notifiées à des membres du CPA et de la haute administration. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris les a annulées sur demande du Parquet. Les victimes sont allées en cassation.
Pour Condé, la chambre de l’instruction a été désavouée par la cour de cassation. Mais la cour d’appel de renvoi a de nouveau annulé ces mises en examen, sur demande du Parquet.
La cour de cassation va statuer pour la première fois dans le dossier Jussieu, pour la seconde dans celui de Condé. L’audience est prévue le 2 février.

 


NORMED
1148 dossiers en souffrance

La plainte contre la Normed a été déposée en 1997.
Le 17 février 2014 une délégation massive de l’Ardeva Nord-Pas-de-Calais appuyée l’Andeva et par des délégations de toute la France est venue remettre 1148 nouveaux dossiers de la Normed et de la Sollac aux magistrats du pôle de santé publique à Paris.
Ils ont demandé à les rencontrer pour leur remettreces dossiers et faire le point sur l’avancée de la procédure. Cette demande s’est heurtée à un refus.
Michel Ledoux, leur avocat a écrit aux magistrats en charge du dossier une lettre insistant pour que l’association soit reçue. Elle est restée sans réponse.
La mise en examen de deux directeurs perdure, mais la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a annulé celle de Jean-Luc Pasquier, en charge de l’hygiène et de la sécurité dans les entreprises au ministère du Travail.
Un pourvoi a été formé contre cet arrêt. Comme pour les dossier de Condé et de Jussieu, l’audience qui devait avoir lieu en décembre 2014, a été reportée au 2 février 2015.
Dans le dossier Sollac (466 dossiers dont 83 décès), l’instruction de la plainte est au point mort.

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A l’occasion du huitième anniversaire de la stèle aux victimes de l’amiante à Dunkerque, l’Ardeva a demandé aux députés présents d’agir pour une révision de la loi Fauchon.

 


AMISOL
 : Résistant à la cour de cassation, la procureure requiert encore un non lieu

Le 8 février 2013, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a estimé « qu’aucune charge ne pouvait être retenue  » contre Claude Chopin, dernier PDG d’Amisol et a rendu un non lieu.
Le 24 juin 2014, la cour de cassation l’a désavouée par un arrêt précisant que le chef d’entreprise avait enfreint les mesures particulières de protection des travailleurs contre le risque amiante prévues par les articles R-232-10 et suivants du Code du travail. Le non lieu de Claude Chopin a donc été annulé.
La cour d’appel de renvoi se rangera-t-elle à l’arrêt de la cour de cassation en le renvoyant rapidement devant un tribunal correctionnel, comme le demandent les ouvrières d’Amisol ?
Au vu de l’audience, on peut penser qu’une décision favorable n’est pas acquise.
En effet, dans un réquisitoire qui ressemblait à un copier-coller d’une précédente intervention, la procureure générale a requis de nouveau un non-lieu, jugeant « insuffisantes » les charges contre Claude Chopin présenté comme «  un gérant sans véritable pouvoir  » et soutenant qu’on ne « voit pas quel type de mesure aurait pu être mise en place ».
Arguments réfutés par Jean-Paul Teissonnière.
La cour d’appel de renvoi rendra son arrêt en février.

 


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°47 (janvier 2015)