Vincennes, le 3 juillet 2017

 Communiqué de presse 

Les associations de victimes se mobilisent contre  l’enterrement du procès pénal de l’amiante

 

L’annonce des non-lieu en préparation dans une vingtaine de dossiers « amiante » au pénal a  soulevé une vague d’indignation dans le pays.  Les protestations se multiplient. Des actions sont en préparation les 5 et 6 juillet dans plusieurs régions.

Pour les victimes et les veuves, l’arrêt de toute recherche de responsabilités pour les 100 000 morts de l’amiante est ressenti comme un déni humiliant de leurs souffrances.

Point n’est besoin d’être juriste pour mesurer l’énormité des conséquences de l’argument avancé par les juges d’instruction du Pôle de Santé publique avec le soutien du Parquet : après 21 ans d’instruction, dire qu’aucune responsabilité ne pourra « être imputée à quiconque » dès lors que la date de l’intoxication ne peut être fixée avec précision, c’est délivrer un permis de tuer aux empoisonneurs pour l’amiante et tous les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.

« nous n’accepterons jamais que les 100 000 morts de l’amiante n’aient ni responsable ni coupable ». Telle a été la réaction des victimes et de leurs associations dans de nombreuses villes de France. Malgré la période défavorable des vacances, des actions  sont annoncées entre le 5 et le 8 juillet à Saint-Nazaire, Martigues, Bobigny, Albi, Thiant…

La Fnath et l’Andeva ont d’ores et déjà annoncé que si ces non-lieux étaient prononcés, elles les contesteraient en appel voire en cassation.

Les associations de victimes d’Eternit de différents sites (Caronte Bouches-du-Rhône , Paray-le-Monial en Saône-et-Loire, Thiant dans le Nord, Albi dans le Tarn) se sont réunies le 16 juin à Paray-le-Monial. Elles ont décidé de créer un collectif et d’unir leurs forces pour arracher le procès pénal  qu’elles attendent depuis si longtemps. Elles estiment que « tous les responsables ont contribué à la maladie et à la mort de centaines de victimes » et « doivent comparaître devant le Tribunal Correctionnel pour répondre de leurs actes » (Voir au verso leur communiqué).

Les victimes de l’amiante ne se laisseront pas  voler le procès qu’elles attendent depuis 20 ans.

 


 

Communiqué du Collectif des Associations des Victimes de l’Amiante des usines Eternit France

 

En Octobre 1996, quelques anciens salariés de la Société Eternit établissement de Thiant, malades de l’amiante, déposaient plainte accompagnés par le Caper auprès du Procureur de la République de Valenciennes.  

Depuis cette date de très nombreux malades les ont rejoint. En septembre 2005, quatre familles de l’établissement Eternit de Terssac déposaient devant le Procureur de la République d’Albi une plainte au Pénal venant s’ajouter à celles de Thiant.  

Après 21 ans d’investigations, d’interrogatoires de centaines de personnes, de perquisitions dans les locaux de la société Eternit, de nombreuses audiences, d’expertises des malades en grand nombre, les Juges d’Instruction chargés désormais au Pôle de Santé Publique à Paris de ce dossier viennent de décider qu’il n’était pas nécessaire de continuer les poursuites dans la mesure où on ne pourra jamais déterminer les personnes responsables, la date à laquelle les maladies ont été contractées étant inconnue.  

Autrement dit, ce que tout le monde sait depuis les années cinquante, à savoir qu’il y a un délai de latence important dans les maladies de l’amiante et que les travailleurs exposés à ce matériau toxique tombent malades vingt, trente et même parfois quarante ans après l’exposition serait un obstacle à la recherche des responsables de cette hécatombe.  

Dans la mesure où l’intoxication n’a pas de date certaine, personne ne pourrait en être tenu pour responsable. 

La plus grande catastrophe sanitaire française qui fait encore près de 3 OOO morts par an, c’est à dire vingt ans après son interdiction serait le fait d’une malchance que personne n’aurait pu prévoir et donc prévenir.  

Tout cela est évidemment faux. Des industriels de l’amiante comme Eternit savaient précisément quel était le danger que représentait ce matériau pour la santé et pour la vie des personnes exposées et tablant sur la date d’apparition des maladies, ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour protéger leurs salariés. La société Eternit qui est un des leaders mondiaux de l’amiante, savait parfaitement ce qu’il en était et pourtant ils n’ont pas respecté la réglementation.  

L’instruction a permis de le prouver, comme les salariés l’avaient indiqué dès le début de cette affaire en 1996. Les fautes sont établies comme d’ailleurs le prouvent les très nombreuses décisions de faute inexcusable prononcées par les Tribunaux et confirmées par la Cour de Cassation.  

C’est donc uniquement parce qu’on ne peut pas dater le jour exact de la contamination qu’on ne peut savoir quelle personne physique doit en répondre. Des fautes ont bien été commises provoquant la maladie et la mort de centaines de victimes et aucun individu ne peut être jugé comme l’ayant commise puisqu’au cours de l’exposition de la victime plusieurs responsables se sont succédés. 

C’est ce qu’on appelle un raisonnement spécieux. Tous les responsables en fonction ont contribué à la maladie et à la mort. Après avoir considéré qu’aucun responsable public n’était coupable, qu’aucun membre du Comité Permanent Amiante, organisme de lobbying mis en place par les industriels pour protéger leurs profits, n’était non plus responsable, les anciens salariés étaient légitimement en droit d’attendre qu’après tant d’années de travail de la Justice les dirigeants d’Eternit répondent de leurs actes devant le Tribunal Correctionnel. Si nous ne nous mobilisons pas il n’en sera rien. 

À la catastrophe sanitaire s’ajoutera le naufrage judiciaire. Pendant ce temps-là, trois anciens salariés d’Eternit qui travaillaient sur le site de Paray sont, eux, mis en examen devant un juge d’instruction de Versailles pour avoir fait sonner des cornes de brume dans les locaux d’Eternit lors d’une action pour s’opposer à la création d’une décharge amiante sur le site de Paray-leMonial. Ils devront, eux, comparaitre devant le Tribun al Correctionnel pour répondre de leurs actes. 

C’est ce qu’on appelle une Justice de classe