On connaît les ravages des fibres d’amiante sur la santé, ce qui a amené à l’interdiction en 1997. Dès lors s’est posé le problème de leur remplacement par des matériaux fibreux moins dangereux et parmi ces matériaux figurent les fibres minérales artificielles utilisées par ailleurs abondamment dans l’isolation thermique et acoustique. Les principales fibres minérales artificielles sont les fibres céramiques réfractaires et les laines minérales d’isolation (laines de verre, de roche et de laitier).

QU’EST-CE QU’UNE FIBRE ?

Une fibre est une particule allongée dont le rapport longueur-diamètre est supérieur ou égal à 3. La dangerosité des fibres d’amiante est liée à trois facteurs principaux : la configuration des fibres, leur composition chimique et leur longue durée de rétention dans le poumon, la plèvre et plus généralement dans l’organisme (biopersistance) dès lors qu’elles ont été inhalées.

POURQUOI LES FIBRES D’AMIANTE SONT-ELLES
DANGEREUSES ?

Les fibres d’amiante sont constituées de fines fibrilles qui se séparent très facilement pour former un nuage de poussières très fines et vont pénétrer au plus profond du poumon dès que leur diamètre est inférieur à 3 microns. Plus les fibres sont longues et fines, plus l’organisme a du mal à les éliminer et plus elles sont dangereuses. Les fibres courtes pourraient également être dangereuses.

Il y a deux mécanismes d’action des fibres d’amiante. Elles provoquent une inflammation des tissus qu’elles impactent. Cette inflammation évolue vers la fibrose  : fibrose du poumon (asbestose), fibrose de la plèvre (notamment plaques pleurales). Leur pouvoir cancérogène s’exerce principalement au niveau du poumon (cancer broncho-pulmonaire) et de la plèvre (mésothéliome), mais aussi dans des organes extrapulmonaires (larynx, ovaire, estomac, colon …)

1) Les fibres céramiques réfractaires (FCR)

Elles sont conçues pour des applications dépassant les 1000°C. Elles sont principalement utilisées dans des applications industrielles pour l’isolation thermique des fours industriels, de hauts fourneaux, de moules de fonderie, de tuyauteries, de câbles, la fabrication de joints, la protection contre l’incendie …
Contrairement aux fibres d’amiante, les fibres céramiques ne peuvent se scinder en fibrilles de diamètres inférieurs, mais se coupent transversalement. Elles sont de diamètre comparable aux fibres d’amiante, ce qui leur permet de pénétrer jusqu’au fond du poumon. Tout comme les fibres d’amiante, elles sont peu solubles dans les milieux biologiques, ce qui explique leur biopersistance.

Les évaluations globales des dangers des FCR sur la santé datent déjà d’une quinzaine d’années (rapport Inserm - 1999, synthèse du CIRC - 2002).
Chez l’homme, les FCR peuvent provoquer des dermites irritatives et la survenue de troubles fonctionnels respiratoires et de plaques pleurales a été rapportée. Par contre les études épidémiologiques n’ont pas mis en évidence à ce jour d’excès de risque de cancers (ce fait est peut être lié aux efforts de prévention, contrairement à ce qui s’est passé pour l’amiante ou alors les effets à long terme n’ont pas encore eu le temps d’apparaître).

Par contre l’expérimentation animale montre de façon probante un potentiel fibrosant et un pouvoir cancérogène (cancers broncho-pulmonaires, mésothéliomes) des fibres céramiques réfractaires. Le pouvoir cancérogène chez l’animal est comparable à celui de l’amiante.

Les fibres céramiques réfractaires sont classées 2 B par le CIRC (cancérogène possible) tandis qu’elles sont classées, de façon plus sévère, 1 B par l’Union européenne (substances devant être assimilées à des substances cancérogènes pour l’homme).

2) Les laines minérales d’isolation

Contrairement à l’utilisation de fibres céramiques réfractaires qui ne concerne que quelques dizaines de milliers de salariés, les laines minérales d’isolation (laines de verre, de roche, de laitier) sont abondamment utilisées pour l’isolation thermique et phonique et la protection incendie des habitations individuelles et des bâtiments collectifs et concernent avant tout les salariés des entreprises du bâtiments et des travaux publics.

Le diamètre des fibres minérales d’isolation est plus grand en moyenne que celui des fibres d’amiante (et elles se coupent transversalement contrairement aux fibres d’amiante qui donnent des fibrilles de diamètre inférieur), rendant leur pénétration au fond du poumon plus difficile.

De plus, elles sont relativement solubles dans les milieux biologiques, ce qui permet une élimination beaucoup plus rapide que celle des fibres d’amiante ou des fibres céramiques réfractaires.

Chez l’homme, les effets sur la santé restent en discussion. Les problèmes d’eczéma et d’asthme rencontrés seraient plutôt dus aux additifs servant de liant. Il ne semble pas y avoir d’argument en faveur de l’existence de fibrose, notamment pulmonaire et la possibilité de survenue d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive reste discutée. De même l’excès de cancers broncho-pulmonaires reste controversé en raison de résultats contradictoires.

Chez l’animal on voit des fibroses pulmonaires à des forts niveaux d’exposition aux laines de roche, ce que l’on ne retrouve pas avec les laines de verre et de laitier. L’excès de cancers en expérimentation animale n’est pas pour le moment bien établi.

Mais l’Union européenne, jouant la prudence, classe les laines minérales d’isolation en catégorie 2 (substances préoccupantes pour l’homme en raison d’effets cancérogènes possibles, mais pour lesquelles les informations disponibles ne permettent pas une évaluation satisfaisante ; les preuves sont insuffisantes). Tandis que le CIRC classe les laines minérales d’isolation en groupe 3 (l’agent ne peut être classé du point de vue de sa cancérogénicité pour l’homme).

Dr. L. PRIVET

Fibres céramiques réfractaires

Cancérogène
catégorie 1 B
H350i : peut provoquer le cancer par inhalation

DANGER

Conseils pertinents à choisir en fonction de l’utilisation parmi la liste :

P201 : Se procurer les instructions avant utilisation.
P202 : Ne pas manipuler avant d’avoir lu et compris toutes les
précautions de sécurité.
P281 Utiliser l’équipement de protection individuel requis.
P308+P313 En cas d’exposition prouvée ou suspectée, consulter
un médecin.
P405 Garder sous clef.
P501 Éliminer le contenu/récipient...

Deux classements des cancérogènes

Le CIRC

Le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), est une émanation de l’OMS (Organisation mondiale de la santé).
Il est composé d’experts indépendants qui analysent les études épidémiologiques sur le cancer. Il distingue 5 catégories dont 3 nous concernent :

- Groupe 1 : agent cancérogène pour l’homme.
- Groupe 2 A : agent probablement cancérogène pour l’homme.
- Groupe 2 B : agent cancérogène possible pour l’homme.

L’Union européenne

Le classement européen a pour but premier de guider la prévention du risque chimique dans les entreprises.

- Catégorie 1 A : substances que l’on sait être cancérogènes pour l’homme.
- Catégorie 1 B : substances devant être assimilées à des substances cancérogènes pour l’homme.
- Catégorie 2 : substances préoccupantes pour l’homme en raison d’effets cancérogènes possibles.

Ces deux classements, qui ne sont pas forcément superposables, s’appuient sur des données humaines et des données animales expérimentales. Le classement pour l’amiante est identique : 1 par le CIRC (depuis 1973) et 1 A par l’U.E.). Par contre il diffère pour les fibres minérales artificielles.

LA PREVENTION

Les fibres céramiques réfractaires ont un étiquetage avec un pictogramme sous-titré « danger  », la mention « cancérogène catégorie 1B » et la mention du danger H350i « peut provoquer le cancer par inhalation ».

Les laines minérales d’isolation ont le même pictogramme sous-titré « Attention » avec la mention H 351 « susceptible de provoquer le cancer  ».
Le Code du travail impose le respect des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) dont certaines sont contraignantes et d’autres indicatives.

Les fibres céramiques réfractaires ont une VLEP contraignante : 0,1 fibre par cm3 d’air en moyenne sur 8 heures, en ne prenant en compte que les fibres de diamètre inférieur à 6 microns.

Les laines de verre, de roche, de laitier, ont une VLEP indicative : 1 fibre par cm3 en moyenne sur 8 heures , en ne prenant en compte que les fibres de diamètre inférieur à 6 microns.

Étant classées en groupe 1 B par l’Union européenne, les FCR sont considérées comme des agents chimiques dangereux CMR (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction).

Les dispositions du Code du travail sont plus strictes pour les CMR que pour les autres produits chimiques dangereux (arrêt du travail si les VLEP contraignantes sont dépassées, mesures de prévention, information et formation des travailleurs plus serrées). L’employeur doit «  remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux  » (art. L4121-2 du Code du travail).

Dr. L. PRIVET

Pour en savoir plus

Documents INRS (sur le Net) :
- ED 109 : « Les fibres céramiques réfractaires ».
- ED 93 : « Les laines minérales d’isolation ».
- ED 6084 : « Exposition aux fibres céramiques réfractaires lors des travaux d’entretien et de maintenance ».