Le docteur Raffaelli avait été mis en examen par la juge Bertella-Geffroy. Il se présente aujourd’hui comme victime d’un « lynchage médiatique » et demande l’annulation de cette mesure. Après avoir pris connaissance de l’expertise judiciaire remise aux juges en décembre, les avocats de l’Andeva ont déposé une note démontrant qu’il a failli à sa mission de prévention primaire.
Il aurait dû être un lanceur d’alerte.
Il a choisi d’être le porte-voix des industriels.
Embauché chez Ferodo en 1978 pour suivre la mise en oeuvre de la réglementation « amiante » de 1977, Claude Raffaelli a été médecin du travail durant 28 ans à Condé-sur-Noireau.
Il avait accès à toutes les publications scientifiques sur l’amiante et ses dangers. En 28 ans de carrière, il a connu plus de 800 salariés et retraités atteints de maladies professionnelles contractées dans cette entreprise. S’il y avait en France à l’époque un médecin du travail qui aurait dû donner l’alerte, c’était lui !
Mais il a préféré lier son sort à celui de l’industrie meurtrière de l’amiante. Alors qu’il était témoin d’une véritable hécatombe ouvrière, il a minimisé le danger, en expliquant que toutes ces maladies étaient en fait le résultat des conditions de travail d’un passé révolu.
Il avait pourtant visité des ateliers chargés de poussières d’amiante. Il savait qu’à certains postes de travail les valeurs limites étaient dépassées. Il savait que le balayage à sec ou le dépoussiérage des bleus à la soufflette, procédés de travail officiellement interdits, étaient encore utilisés. Il savait que des ouvriers avaient contaminé des membres de leur famille avec les fibres qu’ils ramenaient à la maison sur leurs vêtements ou dans leurs cheveux. Il savait, et il n’a pas tiré la sonnette d’alarme.
Peu loquace quand les représentants du personnel au CHSCT protestaient contre la poussière dans les ateliers, il était intarissable sur les méfaits du tabac...
A l’époque, le Dr Raffaelli était présenté comme une référence nationale en matière d’amiante.
Il fut membre du Comité permanent amiante (CPA), une structure de lobbying créée et financée par les industriels, où il milita contre l’interdiction de l’amiante en propageant le mythe de « l’usage contrôlé » de cette fibre tueuse dont - mieux que personne - il connaissait les ravages.
La mission première d’un médecin du travail est la prévention primaire. Il a failli à ses obligations.
Sa déontologie professionnelle aurait dû faire de lui un lanceur d’alerte. Il a choisi de devenir un porte-voix des industriels.
Ses avocats soutiennent aujourd’hui qu’il n’existe pas « d’indices graves et concordants » de sa responsabilité. Mais les faits sont accablants. Les victimes de Ferodo ne comprendraient pas qu’il ne rende pas de comptes à la Justice.