Jacques Faugeron a été élu président de l’Andeva par le conseil d’administration de l’association nationale à la rentrée. Il nous dit qui il est et quels sont ses projets.

 

Quel est ton parcours professionnel  ?

J’ai 61 ans. J’avais 20 ans quand je suis entré aux chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire en 1975. J’y ai travaillé à la maintenance jusqu’en 1985. Nous intervenions dans les ateliers sur toutes les machines  (grues, ponts roulants, machines à souder...)

Il y avait de l’amiante un peu partout  : dans les tresses autour des tuyaux à l’atelier de calorifugeage, dans les protections pour les soudures, les freins des ponts et des grues...

Les chantiers ont employé jusqu’à 7000 personnes auxquelles s’ajoutaient plusieurs milliers d’intérimaires et de sous-traitants. Aujourd’hui l’effectif a fortement baissé.

En 1985, j’ai suivi une formation de programmeur informatique. Puis j’ai travaillé comme informaticien aux chantiers jusqu’en 2007.

Les gros ordinateurs puis les serveurs informatiques étaient dans une salle climatisée. Elle était floquée d’amiante, mais on nous disait que non.

Tu as une maladie liée à l’amiante. Comment a-t-elle été découverte ?

En 2005, le médecin du travail m’a prescrit un scanner. Je venais d’avoir 50 ans. L’examen a détecté des épaississements pleuraux. J’ai fait une déclaration de maladie professionnelle comme plusieurs collègues de la maintenance, du service informatique, des bureaux d’études.

Quelles ont été les réactions de tes collègues informaticiens ?

Ils se sont rebellés. Ils ont refusé de rentrer dans les salles informatiques floquées et ont exigé des analyses. Elles ont révélé la présence d’amiante. Les salles informatiques ont été désamiantées en 2006.

Comment as-tu rencontré l’association de Loire-Atlantique ?

On m’avait conseillé de me rapprocher de Michel Bazille de l’Addeva 44. Il m’a orienté vers l’équipe de la Chapelle-des-Marais (commune de Brière en Loire-Atlantique) où j’ai retrouvé d’anciens collègues malades devenus bénévoles.

Ma maladie professionnelle a été reconnue en 2006. Je suis parti l’année suivante en Acaata. Cette « pré-retraite amiante  » me laissait du temps. J’ai été recontacté par des amis de la Chapelle-des-Marais qui m’ont proposé d’être bénévole. Je connaissais déjà le milieu associatif. J’ai accepté sans hésiter.

A l’Addeva 44, j’ai trouvé un esprit de camaraderie, une ambiance sympathique et solidaire. C’est une grosse association qui compte environ 4800 adhérents. Elle est très organisée. Il y a neuf secteurs sur le département de Loire-Atlantique. L’association a 130 bénévoles et aucun salarié.

J’ai contribué à la mise en place de l’informatique pour l’Addeva et j’ai donné un coup de main pour les tâches administratives. Puis j’ai été élu au conseil d’administration de l’association. J’ai participé aux formations « médicales  » et informatiques des bénévoles.

« Le fonctionnement de l’Andeva doit évoluer : Il faut faire vivre un travail d’équipe, être mieux à l’écoute des associations locales »

Tu as accepté d’être président de l’Andeva dans une situation difficile pour les victimes de l’amiante.

Oui, particulièrement difficile. Les combats menés depuis 20 ans ont permis d’obtenir des avancées majeures telles que le Fiva et l’Acaata, les actions en faute inexcusable de l’employeur qui n’ont pas d’équivalents dans d’autres pays. Nous avons remporté des milliers de batailles judiciaires avec l’aide de nos deux cabinets d’avocats et le soutien des victimes mobilisées dans les salles d’audience.

Mais, ces dernières années, le vent à tourné : la reconnaissance des maladies professionnelles devient plus difficile, les préjudices des victimes et des familles sont moins bien indemnisés par les tribunaux, et, 20 ans après le dépôt des premières plaintes, notre combat pour que tous les responsables soient jugés continue à se heurter à une résistance acharnée de tous ceux qui, dans l’industrie, le monde judiciaire et l’État ne veulent pas d’un procès pénal de l’amiante.

La situation est aussi difficile pour l’Andeva.

Oui, Beaucoup de nos associations locales perdent des adhérents, notamment parmi les non malades qui étaient venus à nous pour le préjudice d’anxiété et qu’il est plus difficile de fidéliser.

Des associations ont quitté l’Andeva en 2014 pour constituer une coordination concurrente. L’automne dernier l’Ardeva Dunkerque a quitté l’Andeva pour mener seule avec le comité anti-amiante Jussieu une action au pénal que nous aurions pu et dû mener ensemble dans l’Andeva et non séparément.

Ces divisions affaiblissent le combat national des victimes à un moment où elles ont plus que jamais besoin de rassembler leurs forces.

Mais nous n’avons aucune intention de creuser le fossé par des polémiques. Je reste convaincu que l’union fait la force et que face aux attaques et aux retours en arrière des tribunaux et du gouvernement qui s’annoncent, des hommes et des femmes de bonne volonté dont les chemins sont aujourd’hui séparés, réussiront à retravailler ensemble.

Pour sa part, l’Andeva continuera à rechercher l’unité d’action avec tous ceux qui défendent les victimes de l’amiante et les victimes du travail.
Elle recherchera des convergences avec les organisations syndicales qui sont sur le terrain dans les entreprises et avec tous ceux qui refusent que notre santé soit sacrifiée au profit des bénéfices.

Comment l’association nationale peut-elle continuer à avancer ?

Quelles que soient les difficultés, nous n’avons pas d’autre choix que de continuer. Parce que l’amiante continue à tuer et que chaque jour de nouvelles victimes, de nouvelles familles endeuillées frappent à la porte de nos associations. C’est notre devoir de les aider et de les soutenir.

Elles ont besoin et veulent un outil national. L’écho rencontré par notre appel aux dons à l’Andeva en témoigne. Sans l’Andeva nous n’aurions ni le Fiva ni la « pré-retraite amiante » que les victimes d’autres pays nous envient. Ne l’oublions pas.

Notre association doit rester plurielle, ouverte, indépendante de tous partis, syndicats et gouvernements.

L’Andeva doit continuer. Elle doit aussi évoluer.

La défense des victimes et des familles doit rester au centre notre activité pour faire valoir et préserver leurs droits. mais aussi pour que, tout au long du parcours de soins, elles soient entendues, respectées et accompagnées.

Il faut poursuivre les actions judiciaires au civil et au pénal. C’est un des piliers de l’action de l’Andeva. Nous avons reconstitué un cadre de travail fonctionnel avec nos deux cabinets d’avocats pour analyser la jurisprudence, et affiner notre stratégie judiciaire.

Le fonctionnement de l’Andeva doit évoluer. Il ne peut reposer seulement sur des individus. Il faut faire vivre un travail d’équipe, créer de nouveaux liens entre les associations locales et leur association nationale qui doit être à leur écoute et porter publiquement leur message national efficace.
Il y a sans doute bien des choses à améliorer dans notre fonctionnement collectif. Tout ne se fera pas en un jour, mais nous mettons en place les moyens d’y parvenir ensemble.