L’homme se présentait comme un sympathique documentariste. C’était en fait un espion grassement payé par la société K2 Intelligence LTD pour infiltrer le mouvement mondial pour l’interdiction de l’amiante. Durant quatre années, de 2012 à 2016 il a voyagé sur tous les continents, rencontré de nombreux militants associatifs, syndicalistes, scientifiques et avocats et rassemblé des dizaines de milliers de pages de documents. Selon La Gazette de Montréal, le commanditaire de cette opération pourrait être un consultant d’une mine d’amiante au Khazakstan et l’un des dix directeurs de l’Association internationale du chrysotile à Montréal.

Des poursuites judiciaires sont engagées contre cet espion et l’agence de renseignements qui l’a employé.

Les détails de cette opération sont donnés dans plusieurs articles publiés en Grande-Bretagne par the Guardian, au Canada par la Gazette de Montréal, et en Australie par New Mathilda.com qui ont recueilli les propos des leaders du mouvement international pour l’interdiction de l’amiante.

LAURIE KAZAN-ALLEN (Grande-Bretagne)

The Guardian indique que Laurie Kazan-Allen, coordinatrice du secrétariat international pour l’interdiction de l’amiante (IBAS), a été approchée en 2012 par un homme, se présentant comme un journaliste préparant un documentaire sur l’amiante.

Par son intermédiaire, il a pris des contacts, s’est rendu en Thaïlande pour une conférence internationale, au moment où un projet d’interdiction de l’amiante était en débat dans ce pays.

Il a continué ce travail de sous-marin durant 4 ans avant d’être démasqué.
Avec un avocat et trois autres militants anti-amiante, Laurie a engagé une action judiciaire contre lui et contre son agence de renseignements.

L’individu a remis aux avocats des requérants 35 000 documents recueillis au cours de ces quatre années, dont de nombreux documents confidentiels, ainsi qu’une vingtaine de rapports détaillés transmis au commanditaire.

Dans les pièces du dossier, les plaignants ont découvert un « document stratégique » qui présente un plan d’infiltration du réseau dont le nom de code est « Project Spring ».

Bien qu’étant salarié par son agence de renseignements, l’espion a réussi à trouver des « ressources annexes » en convaincant Laurie de lui remettre des milliers de livres sterling en prétendant qu’il n’avait pas d’autres sources de revenu !

Quant elle a découvert la tromperie, Laurie a été bouleversée par un violent choc émotionnel.

KATHLEEN RUFF (Canada)

La Gazette de Montréal raconte comment Kathleen, pionnière du combat contre l’amiante au Canada, coordinatrice de la Rotterdam Convention Alliance (ROCA), a été contactée par cet homme en Thaïlande en 2012 : « Il s’est présenté comme un documentariste. Je n’avais aucune raison de ne pas le croire. »

Le faux journaliste a gagné peu à peu sa confiance et s’est intègré dans les activités du mouvement.

Kathleen l’a mis en contact avec des scientifiques, des militants et des journalistes canadiens ainsi qu’avec le député Amir Khadir, figure de proue du combat contre l’amiante.

Elle l’a même aidé à obtenir l’accréditation pour assister à la conférence de la Convention de Rotterdam en 2015 en tant que représentant de ROCA dont elle est une fondatrice.

Quand la vérité a éclaté, Kathleen a d’abord refusé d’y croire, puis a réalisé que l’homme à qui elle avait accordé sa confiance était un espion à la solde du lobby de l’amiante. « Une révélation aussi douloureuse qu’un coup de pied dans le ventre », a-t-elle expliqué.

Elle a alors décidé de rendre l’affaire publique en convoquant une conférence de presse.

LINDA REINSTEIN (USA)

« Il a assisté à deux de nos conférences, en 2013 et 2015. Il a pu rencontrer des experts de premier plan sur l’amiante dans le monde », a expliqué Linda Reinstein, cofondatrice de l’ADAO, interviewée par la Gazette de Montréal.
L’association lui avait versé plusieurs milliers de dollars pour son voyage et ses frais. « Il y a pire que le coût financier : c’est le sentiment de trahison. N’avons-nous pas assez souffert ? », demande Linda, qui a perdu son mari en 2006 d’un mésothéliome.

« Ce n’est pas la première fois que je suis confrontée à des voyous, des menteurs et des espions et ce ne sera pas la dernière », a déclaré Linda. « Je continuerai à lutter pour en finir avec la catastrophe provoquée par l’amiante ».

AMIR KHADIR (Canada)

Le député Amir Khadir a dénoncé des « méthodes odieuses ».

Elles sont à l’image des industriels de l’amiante qui continuent sans état d’âme à faire le business lucratif d’un matériau qui tue 100 000 personnes par an dans le monde.

Que peut-on attendre d’autre de ces gens sans foi ni loi qui sabotent la Convention de Rotterdam en refusant aux pays importateurs le droit d’être informés sur les dangers des fibres tueuses qu’on veut leur fourguer ?