Une grande victoire pour les victimes de l’amiante
Après 17 ans de procédure juridique, la Cour d’appel de Bruxelles a jugé, ce 28 mars 2017, la société Eternit-Belgique fautive et responsable du décès par mésothéliome (cancer de la plèvre dû à l’amiante) de Françoise Vannoorbeek-Jonckheere.
« Les dangers de l’amiante ne se sont pas arrêtés à la porte des usines »
La Cour reconnaît ainsi que Françoise Vannoorbeek-Jonckheere est morte prématurément à cause de la pollution par l’amiante liée aux activités de la plus grosse entreprise d’amiante-ciment au monde, l’usine Eternit de Kapelle-op-den-Bos. Car si l’amiante a d’abord fait des victimes parmi les travailleurs, ses dangers ne se sont pas arrêtés à la porte des usines. Comme le montre malheureusement de manière exemplaire la famille Jonckheere décimée par l’amiante : d’abord le mari de Françoise, Pierre Jonckheere ingénieur chez Eternit, mort de mésothéliome en 1987 ; Françoise morte de mésothéliome en 2000 ; puis deux de leurs fils, Pierre-Paul Jonckheere mort de mésothéliome en 2003 et Stéphane Jonckheere mort de mésothéliome en 2009, tous deux à l’âge de 43 ans. Ni Françoise, ni Pierre-Paul, ni Stéphane n’avaient travaillé chez Eternit. Ils en étaient seulement voisins.
« L’arrêt de la cour d’appel rompt le mur du silence »
L’arrêt de la Cour d’appel est historique pour la Belgique. Il rompt officiellement pour la première fois le mur du silence dans lequel sont encore enfermées de nombreuses familles. En Belgique, depuis 1963, les victimes de maladie professionnelle peuvent prétendre à une indemnisation par le Fonds des maladies professionnelles. Mais en contrepartie, elles ne peuvent aller en justice contre leurs employeurs, sauf à prouver une faute intentionnelle. Ce que Luc Vandenbroucke, mort lui aussi de mésothéliome en 1997, avait tenté en vain. Françoise Vannoorbeek-Jonckheere, victime environnementale, n’était pas liée par ce contrat social. Elle a choisi courageusement de demander justice devant un tribunal en refusant la transaction financière proposée par Eternit pour acheter son silence. Françoise est, à ce jour, la seule à avoir fait ce choix.
« Eternit savait depuis des décennies que l’amiante
mettait en danger les travailleurs »
L’arrêt de la Cour d’appel s’appuie sur de nombreuses preuves historiques et scientifiques qui démontrent qu’Eternit savait depuis des décennies que l’amiante mettait en danger les travailleurs et les riverains de ses usines. En outre l’arrêt rejette l’argument de la prescription invoqué par Eternit. La Cour a considéré que l’exposition de la victime avait été continue des années 1950 aux années 1990, et que les années les plus récentes avaient contribué à sa maladie aussi bien que les premières années.
« Un jugement qui fera date »
Malgré les indemnités très basses accordées à la victime par la Cour d’appel, l’essentiel est acquis : la reconnaissance de la responsabilité fautive de la société et le rejet de la prescription. Ces éléments clé du jugement feront date et pourront même être utilisés en d’autres lieux, par d’autres victimes.
« Des associations venues de 6 pays »
Des associations de victimes de l’amiante de 6 pays (Espagne, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Suisse) étaient présentes à Bruxelles pour exprimer leur solidarité avec les victimes. Elles se réjouissent de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Bruxelles. Comme la défense de la famille Jonckheere s’est appuyée sur des décisions de justice prises dans d’autres pays, elles pourront à leur tour utiliser cet arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles partout dans le monde pour qu’Eternit-Belgique et d’autres multinationales de l’amiante ne puissent se soustraire à leurs responsabilités passées et présentes.
« Un encouragement à poursuivre le combat »
L’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, le premier à condamner Eternit en Belgique et le premier à donner raison à une victime environnementale en Belgique, devrait encourager, dans d’autres pays, les victimes de l’amiante à demander des comptes à ces multinationales de l’amiante qui, pas seulement en Belgique, pas seulement en Europe, mais aussi en Asie et en Amérique latine ont exposé et, pour certaines, exposent encore délibérément des travailleurs et des populations aux dangers de l’amiante.
Encouragées par cette victoire judiciaire, les associations réunies à Bruxelles ce 28 mars 2017 sont déterminées à poursuivre leur combat commun, au nom de toutes les victimes de l’amiante dans le monde, pour obtenir :
L’indemnisation complète de toutes les victimes de l’amiante, passées, présentes et à venir,
L’éradication des sources d’exposition à l’amiante encore présentes aujourd’hui dans les milieux de travail et dans l’environnement,
Un appui massif et généralisé à la recherche médicale pour enfin traiter les maladies de l’amiante,
L’interdiction de l’amiante dans le monde.
LES SIGNATAIRES DU COMMUNIQUÉ
Japan Victims group (Japon)
CAOVA (Suisse),
IBAS (UK),
AFEVA (Italie),
ANDEVA (France),
Asbestos Victims
support group (UK),
Asociación de víctimas y afectados por el amianto en Cataluña,
ABEVA (Belgique)