A la direction des chantiers navals de Cherbourg (DCNS) existait un dispositif de suivi médical des salariés et retraités qui par bien des aspects était en avance par rapport à ce qui existe ailleurs.
« Nous n’avons pas accepté que la Direction
des chantiers navals remette en cause
un suivi médical qui marchait bien »
Comment se déroulait le suivi médical à la Direction des chantiers navals de Cherbourg ?
A la DCNS les salariés dépendent du ministère de la Défense. Leur suivi médical avait quatre particularités auxquelles nous sommes attachés :
1) Il y avait une continuité entre le suivi médical des actifs sous la responsabilité du médecin du travail et celui des retraités qui étaient, eux aussi, accompagnés par l’un des 8 médecins du travail experts.
2) Quand une personne était atteinte d’une maladie non cancéreuse (plaques pleurales, épaississements de la plèvre viscérale), elle continuait à bénéficier du suivi médical dans les mêmes conditions que les salariés ou les retraités exposés.
3) Ce suivi médical était organisé dans la durée : les retraités exposés ou atteints de plaques pleurales étaient systématiquement invités à se présenter à telle ou telle date à l’hôpital.
4) La périodicité des examens était plus rapprochée que celle du privé. Elle pouvait varier selon la situation des personnes, mais - dans la plupart des cas - et notamment pour les porteurs de plaques pleurales les examens avaient lieu tous les deux ans.
Comment cela se passaient-il concrètement ?
Après l’examen et la visite, le pneumologue de l’hôpital rédigeait un compte rendu, et l’envoyait à La Rochelle en proposant une date pour le prochain examen et la prochaine visite. Le médecin expert validait cette date et demandait à l’hôpital de convoquer la victime pour de nouveaux examens.
Ce dispositif marchait bien.
Quand et pourquoi a-t-il été remis en cause ?
Le médecin expert de la DCNS qui suivait les salariés de Cherbourg est parti sans être remplacé. Fin 2014 nous avons constaté que toutes les personnes qui avaient des plaques et des épaississements sortaient du dispositif et n’étaient plus reconvoquées. Elles recevaient un courrier les invitant à retourner voir un médecin civil de leur propre initiative.
Des salariés sont venus voir l’association. Ils ne comprenaient pas ce changement. Ils se posaient beaucoup de questions : Pourquoi ne suis-je pas reconvoqué ? A qui dois-je désormais m’adresser ? Ils étaient scandalisés : « Nous avions une surveillance médicale parce que nous avons été empoisonnés. Et maintenant on nous abandonne. »
Nous savions très bien que, livrés à eux-mêmes sans être reconvoqués, beaucoup de retraités allaient abandonner tout suivi médical. Nos craintes n’ont pas tardé à se vérifier. Il fallait réagir vite et fort pour empêcher le délabrement complet d’un dispositif qui marchait bien.
Qu’a fait l’association ?
Nous avons alerté Madame la Députée et Monsieur le Sénateur de Cherbourg. Nous avons tenu des conférences de presse, alerté la présidente du Comité de suivi amiante du Sénat. Une question au gouvernement a été posée par le sénateur de Cherbourg. Nous avons rencontré le ministère de la Santé.
Le Premier ministre, de passage à Cherbourg, nous a reçus. Il s’est engagé à intervenir auprès du ministère de la Défense qui a reçu à son tour l’Adeva Cherbourg et l’Andeva.
Quels résultats avez-vous obtenus ?
Nous venons de recevoir une lettre de Monsieur Bernard Cazeneuve annonçant « un dispositif visant à accompagner plus étroitement les ouvriers de l’Etat » atteints de plaques ou d’épaississements pleuraux (notice d’information et carnet de suivi médical ).
Il serait complété par un dispositif local à Cherbourg sur la base d’un partenariat entre « les collectivités locales, les associations, l’Agence régionale de santé et le centre hospitalier de Cherbourg. » (voir ci-contre)Cette réponse ouvre de réelles possibilités.
L’enjeu est important...
Oui, très important. A la DCNS de Cherbourg, sur une même période, ont été dénombrés 1500 cas de maladies professionnelles liées à l’amiante, soit le tiers de toutes celles qui ont été comptabilisées au niveau national.
Il faut que les malades atteints de plaques pleurales ou d’épaississements réintègrent le dispositif, que toutes les personnes concernées soient régulièrement reconvoquées et que la périodicité des examens demeure celle que nous avons connue.
Votre demande est légitimée par des données scientifiques.
Oui. Une étude récente a montré que les porteurs de plaques pleurales avaient 7 fois plus de chances d’avoir un mésothéliome et 2 fois plus de chances d’avoir un cancer bronchopulmonaire que la moyenne (voir ci-contre)
Sur Cherbourg, plusieurs adhérents de notre association qui avaient eu des plaques pleurales en 2002 ou 2003 se sont retrouvés, quinze ans après, avec un cancer bronchopulmonaire lié à l’amiante.
Si le diagnostic est tardif et le cancer déjà métastasé, le pronostic est sombre. Si cette pathologie est détectée à un stade précoce, l’efficacité du traitement est sensiblement améliorée.
C’est la principale raison de notre attachement à défendre bec et ongles notre suivi médical. »