Le lien entre certains cancers digestifs et l’amiante est avéré. Les études sur les effets sur la santé de fibres d’amiante dans l’eau potable, peu nombreuses, ne sont pas unanimes. En tout état de cause, c’est le principe de précaution qui devrait s’appliquer.

Combien reste-t-il encore de kilomètres
de canalisations en amiante-ciment ?

En 1997, le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHP) a publié un avis sur « la toxicologie de l’amiante sur le tube digestif. » (1) Il souligne que « la population générale est potentiellement exposée à l’amiante par l’ingestion de l’eau du réseau de distribution (...) L’amiante peut se retrouver dans l’eau de distribution par contamination des nappes phréatiques, d’une part, par contact avec des dépôts naturels d’amphiboles et de serpentines, ainsi qu’avec des décharges de déchets d’amiante et d’autre part, par relargarge des fibres contenues dans les canalisations en amiante-ciment ».

Le CSHP avait préconisé à l’époque de « dresser un état des lieux des canalisations et des ouvrages de distribution en eaux en amiante-ciment (étendue, âge, état) », de « mettre en place une surveillance régulière de la teneur en amiante des eaux de distribution ».

20 ans ont passé. Cet avis est resté lettre morte.

Les études épidémiologiques sur la relation entre la présence d’amiante dans l’eau et les cancers de l’estomac et du côlon sont peu nombreuses.

Une étude norvégienne (2). a porté sur plusieurs centaines de gardiens de phare qui consommaient l’eau de ruissellement recueillie après passage sur des tuiles en amiante-ciment et stockée dans des citernes. Elle a révélé un excès de cancers de l’estomac (taux d’incidence accru de 2,41).

Le stockage des eaux de pluie dans des citernes d’amiante-ciment reste une pratique courante dans beaucoup de pays pauvres.

Les études sur le sujet ne sont pas unanimes. Certaines soulèvent des problèmes méthodologiques.

Après les avoir passées en revue, le Centre International de recherche sur le cancer (CIRC) confirme que le risque de cancer lié à l’ingestion de fibres d’amiante dans l’eau potable est réel et qu’il est proportionnel à la concentration de fibres ingérées et à la durée de l’exposition (3). Il précise que « le risque d’exposition à l’amiante dans l’eau potable peut être particulièrement élevé chez les enfants qui boivent en moyenne sept fois plus d’eau par jour et par kilo de poids corporel que les adultes ».

En tout état de cause, et même si le risque est faible, la longueur des canalisations d’amiante-ciment encore en place, l’importance des populations concernées et le cumul des expositions sur des décennies devraient inciter les pouvoirs publics à s’emparer du problème.

Un article de la revue italienne Epidemiologia e Prevenzione (4) indique qu’entre novembre 2014 et octobre 2015 l’Agence régionale de l’eau de la région Toscane a réalisé des comptages de fibres d’amiante dans l’eau transportée dans des tuyauteries en amiante-ciment. Elle a trouvé des concentrations atteignant jusqu’à 700 000 fibres d’amiante par litre d’eau, mais a déclaré qu’il n’y avait aucun danger pour la santé humaine.
L’article insiste sur l’étendue du réseau de conduites d’eau en amiante-ciment en Italie (5).

Les auteurs préconisent des comptages systématiques des fibres d’amiante dans l’eau, de nouvelles études épidémiologiques et l’instauration d’une valeur limite réglementaire.

D’autres mesures mériteraient d’être étudiées par les pouvoirs publics pour garantir la qualité de l’eau potable (dispositifs de filtration, plan pluri-annuel de remplacement des canalisations).

Le principe de précaution devrait s’appliquer.


1. Bulletin officiel du ministère chargé de la santé n° 98/22
p. 113-114
2. Andersen (1993)
3. Monographie du CIRC N° 100 C (en anglais)
4. Rischio clinico da ingestione di fibre di amianto in acqua potabile (Augusto di Ciaula, Valerio Gennaro)
5. En 2013 l’Agence régionale pour la protection de l’environnement du Latium estimait qu’il y avait 100 000 km de canalisations en amiante-ciment.