Dans leur lutte contre le feu, les pompiers sont confrontés à une multitude de risques physiques, chimiques et psychiques redoutables. Le risque « amiante » en fait partie. Il est souvent sous-estimé, voire méconnu. Il est pourtant réel et important.

« J’ai été pompier pendant 32 ans à des postes opérationnels : 8 ans dans l’Essone, 2 ans à Limoges et 22 ans dans les Hautes Pyrénées. Auparavant, j’avais fait mon service militaire chez les marins pompiers », explique Michel.
Aujourd’hui retraité, il en a connu tous les risques immédiats : les brûlures, les gaz toxiques, les explosions, les chutes de toit, le stress...

Il n’ignore pas non plus les risques à long terme de tous les produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). « Il y a les produits stockés sur le lieu d’intervention. Il y a aussi les produits de décomposition qui se forment sous l’effet de la chaleur ».

Ce n’est donc pas sans raison que le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé l’activité de sapeur-pompier dans le groupe 2B (« peut-être cancérogène »).

Une étude épidémiologique sur les causes de mortalité des sapeurs-pompiers actifs et anciens est en cours.

L’amiante n’est pas l’agent cancérogène le plus souvent cité quand on évoque l’activité de pompier. Mais on aurait tort de sous-estimer le risque pendant et après les interventions.

Des combinaisons et des gants en amiante

« Quand j’étais marin-pompier j’ai utilisé des combinaisons anti-feu en amiante pour attaquer des feux d’hydrocarbures, se souvient Michel. Elles étaient très lourdes. Il y avait aussi des gants en amiante qu’utilisaient les sapeurs-pompiers pour les feux de cheminée. »

Les protections individuelles contenant de l’amiante ont aujourd’hui disparu, mais l’amiante est encore souvent présent là où interviennent les pompiers.

L’amiante-ciment dans l’incendie

« Au-dessus de 800 degrés, une toiture en fibrociment ne résiste pas. Le ciment qui lie les fibres se dégrade, des trous se forment dans les plaques ; elles s’effondrent, éclatent en morceaux et les fibres s’envolent. On trouve souvent ces toitures sur des bâtiments industriels ou des hangars agricoles.
Durant l’intervention, on a porté un appareil respiratoire isolant. Mais, dès que l’incendie a été maîtrisé, on « tombe le masque » pour tisonner, déblayer, afin d’éviter une reprise de feu. Le feu a été éteint mais le risque « amiante » est toujours là, car l’air qu’on respire est chargé d’une multitude de fibres. »

Équiper et former les intervenants

L’intervention sur un bâtiment amianté implique donc des équipements, des consignes et une formation spécifiques.

Claude Danglot, médecin biologiste, cite l’exemple de la Nouvelle Zélande qui a créé une procédure d’intervention spécifique, avec notamment le port de masques ventilés adaptés sur le pourtour de l’incendie, une décontamination des tenues par douche mobile et l’inscription des noms des occupants exposés sur un « registre amiante ».


LES TOITURES EN AMIANTE-CIMENT
A L’ÉPREUVE DU FEU

Dans une plaque de Fibrociment, le ciment englobe les fibres d’amiante. On sait que le vieillissement du matériau sous l’effet des intempéries et des mousses végétales peut désagréger ce liant. On sait aussi que l’attaque d’une plaque par une perceuse ou une disqueuse peut libérer des fibres en grande quantité. Mais que se passe-t-il lorsqu’une toiture ou ou d’autres matériaux contenant de l’amiante sont ravagés par un incendie ?

 

Portées à très haute température les plaques de toitures éclatent et libèrent des milliards de fibres d’amiante dans l’air surchauffé.

« Quand un bâtiment est ravagé par un incendie, les souffles et les brutales augmentations de température libèrent des fibres d’amiante qui étaient auparavant immobilisées par un liant dans les toitures en amiante-ciment, mais aussi dans les flocages, les faux plafonds, les cloisons, les dalles de sol, explique Claude Danglot.

Elles sont entraînées vers le haut par un mouvement ascendant des gaz surchauffés qui retombent en se refroidissant sur le pourtour de l’incendie.
Si les pompiers en action sont souvent protégés efficacement par le port d’un appareil respiratoire isolant, ils quittent fréquemment cette protection lors du déblai, lorsque le feu est circonscrit. Ils peuvent alors respirer des fibres cancérogènes sans réaliser qu’ils sont en danger. »

Les gaz chaud transportent les fibres sur des distances importantes, mettant aussi en danger ceux qui sont au voisinage.

« La convection est un transport de gaz chaud, explique Claude Danglot. Un gaz chaud monte : la densité d’un gaz diminue avec la chaleur, la poussée d’Archimède provoque donc l’élévation de cette masse.

Lorsque cette masse atteint un obstacle froid, elle lui transfère sa chaleur, refroidit et retombe.

Lors d’un incendie, les fumées montent entraînant une multitude de fibres d’amiante incombustibles qui suivent un mouvement ascendant au centre de l’incendie puis retombent sur son pourtour. 

Elles peuvent parcourir des distances importantes et être inhalées par des personnes non protégées qui se trouvent au voisinage.

Lorsqu’ils rentrent de mission avec leur tenue de feu, les pompiers peuvent contaminer les véhicules, puis les vestiaires. Et les personnels de nettoyage seront à leur tour contaminés.

La contamination est importante et peut même toucher tout le voisinage s’il y a beaucoup d’amiante. C’est le cas par exemple pour le toit de hangars en plaques ondulées “Eternit” de fibrociment. »