Vincennes, le 27 mars 2018

COMMUNIQUE DE PRESSE

 

UNE VICTOIRE DES VICTIMES DE L’AMIANTE

Eternit ne pourra pas faire payer
ses fautes inexcusables par l’État

 

 

Par un arrêt du 26 mars, le Conseil d’État a rejeté fermement les incroyables prétentions de la société ECCF, anciennement Eternit. Condamnée pour « faute inexcusable de l’employeur », la multinationale de l’amiante-ciment espérait alléger sa facture en mettant la moitié des indemnisations à la charge de l’État. Elle a échoué.

Un salarié d’Eternit qui avait travaillé dans l’établissement de Saint-Grégoire en Ille-et-Vilaine de 1974 à 2005 avait été victime d’une maladie professionnelle, dont il est décédé en 2005.  Ses ayants droit avaient obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et l’indemnisation de leurs préjudices. 

Invoquant la carence des pouvoirs publics dans leur mission de prévention, ECCF (ex-Eternit) avait alors demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l’État à lui verser 160 766 euros… et d’ajouter 10 000 euros pour le « préjudice moral » que cette société estimait avoir subi ! 

S’agissant d’une entreprise, condamnée plusieurs centaines de fois par la justice pour avoir fait travailler sans précaution ses salariés dans des nuages de fibres mortelles une telle demande avait quelque chose de grotesque et d’indécent. La veuve du défunt et l’Andeva se sont portés partie civile. 

Le 6 novembre 2014, le tribunal administratif a, malgré tout, fait droit à la demande d’ECCF (sauf pour le « préjudice moral »). 

Le 10 mai 2016, devant la cour d’appel de Versailles la veuve du défunt et l’ANDEVA, avertis de l’existence de cette procédure, interviennent. 

La demande d’ECCF est rejetée.

Par cet important arrêt, le Conseil d’État vient de confirmer la position de la Cour d’appel  

Il reconnaît l’appréciation souveraine des juges de la cour d’appel de Versailles et considère qu’elle n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’Eternit avait commis une  «  faute d’une particulière gravité délibérément commise, faisant obstacle à ce qu’elle se prévale de la carence fautive de l’État ». 

Il ressort en effet du dossier que « La société Eternit, spécialisée dans la production d’amiante-ciment depuis sa création en 1922 » avait déjà avant 1977 « une connaissance particulière des dangers liés à l’utilisation de l’amiante ». Il ressort aussi des témoignages des ouvriers de Saint-Grégoire qu’ils « travaillaient dans une atmosphère fortement empoussiérée d’amiante. » et « sans aucune mesure de protection ».   

C’est pourquoi le Conseil d’Etat rejette le pourvoi d’ECCF. Il met par ailleurs à sa charge « le versement d’une somme de 1500 euros » à la veuve ainsi qu’à l’Andeva, dont l’intervention était vigoureusement contestée par l’employeur.

On attend un deuxième arrêt du Conseil d’État concernant la société Latty qui avait engagé une procédure analogue. Il est permis d’espérer qu’il confirme cette jurisprudence.