Une conférence de l’International Mesothelioma Interest Group (I.M.I.G.) s’est tenue du 2 au 5 mai à Ottawa, au Canada.

Elle a réuni près de 500 spécialistes mondiaux de tous les domaines concernés par cette maladie.

Le professeur Arnaud Schepereel est chef du service de pneumologie et d’oncologie thoraciques de l’Hôpital Calmette à Lille et coordonnateur du réseau d’experts cliniciens Mesoclin.

Il tire un bilan de cette réunion à laquelle participaient des associations.

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ARNAUD SCHERPEREEL
« Un intérêt croissant pour l’immunothérapie »

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Quelles leçons tirez-vous de la dernière conférence de l’Imig ?

A.S. : Elle s’est déroulée dans un climat convivial, avec des participants très motivés. Toutes les voies thérapeutiques ont été présentées par des spécialistes. Il y eu des exposés et des débats intéressants sur de nouvelles techniques de radiothérapie, sur différentes chimiothérapies, sur la chirurgie associée à des traitements locaux... Mais, cette année, c’est l’immunothérapie qui a tenu la vedette.

Cette technique a été utilisée avec des résultats prometteurs, d’abord dans le traitement des mélanomes, puis dans celui du cancer du poumon. Des essais cliniques ont commencé pour le mésothéliome.

Le mécanisme d’action de l’immunothérapie n’est pas le même que celui de la chimiothérapie : celle-ci a une action cytotoxique, c’est-à-dire qu’elle vise à détruire les cellules cancéreuses, alors que l’immunothérapie vise à stimuler les défenses immunitaires naturelles de l’organisme. Autrement dit à renforcer l’action des lymphocites T (globules blancs).

Il y a plusieurs types d’immunothérapies. Sans entrer dans des explications techniques, on peut dire que les plus récents visent à lever les résistances élaborées par le cancer pour contrer les défenses immunitaires à certains endroits précis (inhibiteurs des points de contrôle immunitaires).

J’ai pu présenter à cette conférence l’essai MAPS 2 auquel ont participé 125 malades, au cours duquel ont été administrés deux médicaments (nivolumab seul ou associé à l’ipilimumab). Les résultats feront prochainement l’objet d’une publication.
D’autres essais sont en cours en Grande-Bretagne et en Italie notamment. Les résultats seront connus d’ici deux ou trois ans.

La presse a publié cet été des articles présentant l’immunothérapie comme LA solution pour tous les cancers. Qu’en pensez-vous ?

A.S : Je crois que l’immunothérapie est une voie prometteuse, mais qu’il faut en avoir une approche mesurée.

Ce n’est pas le « médicament-miracle ». Il y a des survies longues qui apportent un message d’espoir, en particulier pour le cancer bronchopulmonaire, mais l’immunothérapie n’est pas efficace chez tous les patients. Elle a aussi des effets secondaires, variables selon les cas, qui sont en général mieux supportés que ceux des chimiothérapies mais peuvent être importants. Je dirais que nous n’en sommes qu’au début de l’histoire et que nous n’avons pas encore suffisamment de recul. Plusieurs questions sont devant nous :

- celle du choix des meilleurs patients à recruter pour les essais cliniques,

- celle du coût très élevé des médicaments, qui conduit les autorités à être circonspectes dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM).

Dans ce contexte, il faut encourager fortement la participation aux essais cliniques.
L’immunothérapie est riche de promesses, mais nous n’avons pas encore de vision claire sur sa place dans l’arsenal thérapeutique pour les années à venir : Sera-t-elle utilisée en tant que traitement de deuxième ligne, après échec du traitement de référence par chimiothérapie (pemetrexed et sel de platine) ? Sera-t-elle utilisée d’emblée en première intention ? Seule ou en association avec une chimiothérapie ? Son utilisation variera-t-elle en fonction d’une typologie des tumeurs ? Allons-nous vers des traitements « à la carte » en fonction de caractéristiques individuelles telles que le profil génétique (avec notamment l’anomalie du gêne BAP 1) ?

Tels sont les problèmes auxquels nous devrons nous confronter.

L’un des thèmes de cette réunion était la nécessité d’une « approche multidisciplinaire ». Que faut-il entendre par là ?

A.S. : L’approche du mésothéliome met en jeu plusieurs disciplines. Les médecins travaillent avec des biologistes, des anatomopathologistes, des radiologues... La questions des soins de support et de l’accompagnement des malades et des familles a fait l’objet de sessions dédiées.

Les médecins prennent conscience de l’importance de la forme physique du malade dans la lutte contre la maladie. Une attention particulière a été accordée au travail avec des nutritionnistes sur l’état de la flore intestinale.

Le traitement de la douleur et de l’essoufflement ainsi que l’accompagnement social relèvent de la même démarche.

Comment évolue le nombre de mésothéliomes dans le monde ?

A.S. Des épidémiologistes ont fait une mise à jour des connaissances. Nous avions souvent entendu expliquer qu’une décroissance du nombre de mésothéliomes était déjà amorcée dans les pays industrialisés pendant qu’une progression s’amorçait dans les pays émergents.

En fait, dans certains pays industrialisés on constate plutôt un « plateau » qu’une redescente. Dans d’autres, la montée continue. En France, le nombre annuel de cas qui se situait encore récemment autour de 900 à 1000 atteint désormais 1100.
Par ailleurs l’extraction et l’utilisation persistante de l’amiante dans des pays tels que la Russie, la Chine ou l’Inde laissent craindre une véritable pandémie dans les pays émergents.

La question de la prévention du risque amiante a été évoquée à cette conférence. Ce n’est pas si courant dans une assemblée de médecins et de chercheurs.

La réunion s’est tenue à Ottawa. Vu le contexte canadien, il était important que ce sujet soit abordé. La ministre de la santé canadienne est intervenue pour confirmer l’interdiction de l’amiante au Canada cette année.

La conférence n’était pas réservée à un public de médecins et de chercheurs. Des associations de victimes et des organisations syndicales étaient présentes.

A.S. Oui, Eric Jonckheere, le président de l’Abeva, a présenté l’histoire émouvante de sa famille décimée par l’amiante. Il a aussi présenté une vidéo extraite d’un film qui sortira à la rentrée. Cela a suscité des questions de la salle. D’autres représentants d’associations ou d’organisations syndicales de divers continents étaient présents.