Faute d’accord entre les 27 Etats membres de l’U.E, la décision sur l’avenir du glyphosate a été prise par la Commission européenne qui a décidé de passer en force en prolongeant de dix ans l’autorisation d’usage du glyphosate. Certaines restrictions d’utilisation pourront être émises par un État de l’U.E. mais elles ne s’imposeront pas à tous. Monsanto, le fabriquant de ce poison remis au goût du jour est satisfait. En suivant cette actualité, les victimes de l’amiante ont eu l’impression de revivre un cauchemar : même pressions des industriels sur les pouvoirs publics, même priorité donnée au profit sur la santé, même tragédie humaine et environnementale à venir.

 

Cancer, lymphome Parkinson, leucémie, génotoxicité

 Le glyphosate, l’herbicide le plus vendu du monde, a été classé dès 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

En 2021, l’Inserm a établi un « risque accru de lymphome non hodgkinien (LNH) [cancer du sang] » et une présomption de génotoxicité*.

L’exposition au glyphosate peut provoquer la maladie de Parkinson qui est reconnue dans le régime agricole comme pathologie professionnelle pour les agriculteurs (tableau 58).

En 2023, une vaste étude internationale établit « un lien entre de faibles doses d’herbicides à base de glyphosate et des leucémies », en expérimentation animale sur des rats.  

Le glyphosate est toxique pour les femmes enceintes.

En matière de biodiversité, le glyphosate a aussi des effets délétères sur un grand nombre d’organismes vivants dans divers milieux terrestres et aquatiques.

A terre, le glyphosate met à mal les populations de lombrics. Dans l’eau, il est classé « toxique pour les organismes aquatiques » (poissons, algues, amphibiens), par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

Sa présence dans des rivières et des lacs a été pointée par une expertise collective de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer),

 

Les méthodes d’évaluation de l’Efsa posent problème

La Commission européenne a basé sa réautorisation sur un avis favorable de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa)

Or cette institution est critiquée depuis des années pour ses liens avec les industriels de l’agrochimie et les faiblesses de sa méthodologie d’évaluation

Ainsi Céline Pelosi, écotoxicologue, note dans Le Monde que « l’Efsa n’a pris en compte que 140 études sur les milliers publiées sur le glyphosate. Elle a exclu les articles scientifiques sur les vers de terre et ne se base que sur des études industrielles auxquelles nous n’avons pas accès.».

A la différence du CIRC, l’EFSA travaille sur des études fournies par des industriels. Elle refuse de communiquer celles qui ne sont pas publiques.

L’EFSA limite son évaluation au produit pur alors que des mélanges utilisés dans la vraie vie peuvent avoir une toxicité cent fois plus élevée (effet cocktail).

L’EFSA ne prend pas en compte les effets des perturbateurs endocriniens.

Elle ignore les effets sur les plus vulnérables (enfants, femmes enceintes).

Elle méconnaît les effets sur la biodiversité et l’environnement.

 

Une honteuse abstention : la France a choisi de ne pas choisir

Le constat du Monde est sans appel : « En s’abstenant le jeudi 16 novembre sur un vote crucial des 27 Etats membres de l’Union européenne sur la réautorisation du glyphosate, elle a laissé les mains libres à la Commission européenne pour trancher et prolonger de 10 ans l’herbicide classé « cancérogène probable » depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer ». 

Avant le 16 novembre le ministre et le Président de la République ont été bombardés de messages : la confédération paysanne, l’UFC Que Choisir, l’association France Parkinson, de nombreuses ONG et des scientifiques de renom avaient demandé au ministre et au Président de la République que la France vote CONTRE la réautorisation pour 10 ans. Ils n’ont pas été entendus. Tous ont vécu cette abstention comme un manque de courage politique, voire une trahison.

Faut-il rappeler qu’en 2017, Emmanuel Macron avait annoncé que la France sortirait unilatéralement du glyphosate en 2020 ?


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°72 (janvier 2024)