Le congrès de l’IMIG (International Mesothelioma Interest Group) s’est tenu du 26 au 28 juin 2023 à Lille, avec la participation de plusieurs centaines de scientifiques éminents venus du monde entier (cliniciens, biologistes, pathologistes, épidémiologistes...). Des associations de victimes étaient présentes. La délégation de l’Andeva comptait une quinzaine de personnes, dont deux avaient un mésothéliome. Avec l’Abeva, dont le président est lui-même atteint de cette maladie, elle a tenu un stand qui a reçu de nombreuses visites. Ces trois journées lilloises furent une formidable occasion de recueillir des informations sur les derniers essais cliniques et de faire entendre la parole des victimes. Arnaud Scherpereel, le président de l’IMIG, en tire un premier bilan.
Qu’est-ce que le mésothéliome ?
Arnaud Scherpereel : c’est un cancer qui touche les enveloppes des organes (la plèvre, et plus rarement le péritoine et le péricarde.) C’est un cancer de pronostic difficile avec une médiane d’espérance de vie d’un an et une espérance de vie à 5 ans de 5 %. Le temps de latence entre exposition et maladie est d’une trentaine d’années. C’est un cancer rare avec environ 1100 nouveaux cas par an.
Qu’est-ce que l’IMIG ?
L’International Mesothelioma Interest Group (l’IMIG)), coordonne au niveau international la recherche fondamentale et clinique sur le mésothéliome et sur d’autres maladies causées par l’exposition à l’amiante, telles que le cancer du poumon.
Dans une interview au journal La Croix, à la veille du congrès de l’IMIG, vous avez retracé l’évolution des recherches sur le mésothéliome depuis vingt ans.
Ce retour en arrière montre le chemin parcouru : « Quand j’ai commencé à exercer en 2000, il n’y avait quasiment aucun traitement. Grâce aux essais cliniques menés en France notamment, les chimiothérapies sont devenues plus efficaces. Bien qu’elle ne soit pas efficace dans tous les cas, l’immunothérapie [la stimulation du système immunitaire pour combattre le cancer NDLR] que j’ai eu la chance d’être parmi les premiers au monde à évaluer chez nos patients, représente le vrai tournant de ces dernières années.
Aujourd’hui, grâce à ces traitements innovants, certains patients ont une bonne qualité de vie. Le mésothéliome est par ailleurs le premier cancer solide sur lequel la thérapie cellulaire [c’est-à-dire la greffe de cellules souches pour restaurer l’activité d’un tissu ou d’un organe NDLR) se révèle efficace, ce qui ouvre de nouvelles perspectives.»
Quelles avancées notables faut-il retenir, à l’issue de ce congrès ?
Il y a d’abord des avancées dans la compréhension des mécanismes de développement des cellules cancéreuses : on sait qu’il y a chez les porteurs du gène BAP 1 une prédisposition génétique qui favorise l’apparition du mésothéliome chez des personnes exposées à l’amiante.
Il faut aborder cette question avec prudence pour éviter des dérapages, qui en tireraient argument pour refuser la reconnaissance en maladie professionnelle.
Le gène de prédisposition tout seul ne peut être la cause d’un mésothéliome, s’il n’y a pas d’exposition à l’amiante.
Y a-t-il des avancées en matière de traitements ?
Le congrès de l’ASCO (American society of clinical oncology) s’est tenu à Chicago du 1er au 5 juin. On voit depuis se préciser la possibilité pour les cancers non opérables, d’associer la chimiothérapie et l’immunothérapie. Cela pourrait permettre à la chimiothérapie associée d’être rendue plus efficace par une stimulation du système immunitaire.
On continue aussi à avancer sur le recours à des facteurs prédictifs de l’efficacité de tel ou tel traitement (chimio- ou immuno-thérapie, drogues épigénétiques) en fonction des caractéristiques de tel ou tel malade. Ce sont des aspects de médecine personnalisée qui évoluent. Ils concernent les patients non opérables (la grande majorité).
Cela dit, pour les patients opérables, on pourrait aussi envisager une immunothérapie pré-opératoire, ce qui pourrait rendre le geste chirurgical plus efficace et peut-être moins compliqué, puisque un certain nombre de cellules cancéreuses auraient été tuées avant.
Cela dit, la question posée par tous ces traitements est celle de leur tolérance par le patient. Les personnes atteintes d’un mésothéliome sont une population plus âgée que celles qui ont un cancer du poumon. Il faut veiller à ce que la balance bénéfice / risques reste favorable pour chaque patient. Des études sur la qualité de vie avec ces traitements sont en cours.
De nouvelles technologies de radiothérapie, comme la protonthérapie semblent intéressantes.
En France existe Netmeso, un réseau de centres experts cliniciens et anatomopathologistes. Qu’apporte-t-il aux médecins ?
Comme demandé par l’Institut national du cancer (Inca), les médecins doivent présenter leurs patients au réseau d’experts Netmeso que je coordonne pour accéder aux traitements optimaux et les plus innovants. Ce réseau forme aussi soignants et paramédicaux à la maladie, sa prise en charge, la réparation et la prévention.
Il est important d’orienter les patients vers le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), et le cas échéant vers une reconnaissance en maladie professionnelle, pour faciliter leur quotidien et diminuer leur inquiétude pour l’avenir des proches.
Des associations de victimes de divers pays ont été invitées à ce congrès de l’IMIG.
Oui. Leur présence est indispensable.
Etaient notamment présents l’Andeva, Ban Asbestos et ArsMeso44 pour la France, l’Abeva pour la Belgique, Marf (Mesothelioma Applied Research Foundation) et l’Adao pour les Etats-Unis, Mesothelioma UK (Royaume Uni)...
Comment des scientifiques peuvent-ils agir ?
Ils doivent être unis pour dire la dangerosité de l’amiante et demander son interdiction au niveau international. Trop de dirigeants politiques et économiques nient encore sa cancérogénicité pour des raisons financières. De nombreux pays d’Asie, d’Afrique et de l’ex-URSS en poursuivent l’extraction et l’utilisation, ce qui accroît l’incidence des maladies associées.
La France commence à voir l’impact de l’interdiction de l’amiante en 1997 : après une augmentation continue des cas de mésothéliomes, on assiste aujourd’hui à un effet plateau.
Une baisse aura peut-être lieu dans les prochaines années, sous réserve que diminuent les cas liés à une exposition plus insidieuse dans des maisons et des bâtiments anciens contenant encore de l’amiante, à éliminer avec beaucoup de précautions par des professionnels uniquement.
Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°71 (juillet 2023)