Johnson & Johnson, le géant américain de l’industrie pharmaceutique, a annoncé la nouvelle en août dernier : dès 2023, son produit phare, la Johnson Baby Powder, une poudre pour bébé contenant du talc amianté, ne sera plus fabriqué ni commercialisé dans aucun pays du mondeLe talc sera désormais remplacé par de la fécule de maïs.

Il y a deux ans ans, Johnson & Johnson annonçait  l’arrêt total des ventes du États-Unis et au Canada du Johnson baby powder, sa poudre pour bébé à base de talc amianté.

Il annonçait en même temps sa volonté de  continuer à la commercialiser dans les autres pays du monde, en la présentant comme un produit inoffensif.

Une position scandaleuse, pleinement assumée, de « double standard », comme si la vie humaine n’avait pas le même prix en Amérique du Nord et dans le reste du monde.

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Aujourd’hui la multinationale américaine annonce que la fabrication et la vente de sa poudre vedette vont cesser dès 2023  dans l’ensemble des pays du monde et que le talc sera désormais remplacé par de la fécule  de maïs.

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C’est un recul important dont toutes les victimes de ce talc et tous les militants qui défendent la Santé et l’Environnement ne peuvent que se réjouir.

Le changement de position de Johnson & Johnson (J&J) n’est pas tombé du ciel. Il est la conséquence directe des 38 000 procédures judiciaires engagées majoritairement par des femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire ou d’un mésothéliome.

Johnson et Johnson (J&J) a subi les conséquences de ce tsunami judiciaire : Il a été condamné à verser au total près de 3,5 milliards de dollars de dommages et intérêts aux victimes. Dans l’un de ces procès, 22 femmes ont obtenu une décision de justice qui leur accorde plus de 2 milliards de dollars. Et chaque jour qui passe voit de nouvelles plaintes déposées.

L’image de marque de l’entreprise qui oeuvre depuis 130 ans pour la santé dans l’intérêt des familles en a pris un sacré coup. Les actionnaires sont mécontents. En avril dernier, certains demandaient déjà l’arrêt des ventes du Johnson baby powder. Ils s’étaient alors heurtés à un refus.

L’annonce en août dernier d’un retrait mondial du talc tueur est donc une très bonne nouvelle.

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Et pourtant, comment ne pas ressentir d’amertume, en pensant aux victimes passées, présentes et à venir ?

Combien de victimes auraient pu être évitées si le remplacement du talc amianté par un produit non dangereux connu de longue date n’était pas intervenu si tardivement ?

Combien de femmes aujourd’hui en bonne santé seront-elles demain rattrapées par un cancer, plusieurs décennies après avoir utilisé cette poudre ?

Et combien de plaignants (malades et ayants droit) obtiendront justice ?

Il faut savoir que toutes les procédures judiciaires en cours sont aujourd’hui gelées. En octobre 2021, le groupe a créé une filiale, LTL Management, à laquelle il a confié sa poudre pour bébé et l’ensemble du contentieux afférent. Puis il l’a mise en faillite, ce qui a interrompu les actions en cours devant les tribunaux ! La justice américaine avalisera-t-elle ce stratagème crapuleux, nourri par le laxisme de la législation texane

En tout cas, la lutte pour la justice va continuer, malgré les obstacles dressés par ceux qui font passer les profits d’une minorité avant la santé de tous.


Ils connaissaient le danger depuis des décennies

Le cynisme et le mépris de la vie humaine sont sans limite chez les dirigeants de cette multinationale qui connaissaient depuis longtemps le danger et persistent, aujourd’hui encore, à nier l’évidence.

Un communiqué récent du groupe continue imperturbablement à expliquer que « la poudre pour bébé est sans danger, ne contient pas d’amiante et ne cause pas de cancer » !

La doctrine officielle de Johnson et Johnson explique l’abandon de son produit-vedette non par la toxicité de l’amiante contenu dans le talc, mais par « l’évolution de la demande » des consommateurs, victimes d’une campagne insidieuse de « désinformation » visant à les détourner d’un produit parfaitement sain.

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En réalité, la présence d’amiante dans ce talc était connue depuis des décennies par les dirigeants du groupe.

Une remarquable enquête menée par l’agence de presse Reuters  en 2018 en fait une implacable démonstration.

Des dossiers internes à l’entreprise, des témoignages lors des procès et d’autres
preuves ont montré qu’une série d’analyses réalisées entre 1971 et le début des années 2000 ont confirmé la présence d’amiante dans cette poudre.

 


Un produit phare, symbole du groupe

La Johnson Baby powder, vendue depuis 130 ans, était devenue le produit-phare de la multinationale américaine, symbole de son activité au service de la santé des familles.

Elle a été utilisée non seulement pour prévenir l’érythème fessier des nourrissons mais aussi par de nombreuses femmes pour leur hygiène intime. Elle a  encore d’autres usages cosmétiques, dont celui de shampoing sec.

Cette poudre occupe par exemple une part prédominante sur le marché des cosmétiques en Inde où elle est très populaire

 


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°69 (octobre 2022)