Depuis le 1er janvier 2019, tous les navires battant pavillon d’un état membre de l’U.E. doivent être démolis dans un chantier agréé par la Commission européenne.   Le processus de vérification est en cours. Une quarantaine de chantiers ont déjà été agréés. Au départ, cet agrément était limité aux chantiers situés dans un  état membre de l’U.E. Le réglement est en cours de révision et doit s’élargir aux chantiers des États-Unis, de Turquie et de Norvège. Aucun chantier indien n’a pour l’instant été agréé.

Les failles béantes du règlement de l’U.E.

En théorie, la délivrance d’un agrément devrait être une garantie de sécurité, pour éviter que cette activité à hauts risques ne soit confiée à des « désamianteurs aux pieds nus » ni formés ni protégés.

En réalité, ce réglement européen est littéralement saboté par le recours massif à des pavillons de complaisance qui permettent aux armateurs de contourner la réglementation de l’Union européenne.

Les chiffres donnés par l’association Robin des bois montrent l’ampleur du phénomène : « En 2019, 139 navires à démolir appartenaient  à des armateurs européens mais seulement 44 battaient  un  pavillon  européen  dans  l’année  précédant  leur  démolition ».*

«  Sur ces 44 navires, 7 ont été démolis dans un chantier de l’Union Européenne, 23 dans un chantier turc, 13 ont gagné le Bangladesh ou l’Inde sous un pavillon de complaisance ».*

Le scandale des « pavillons-corbillards »

Les exemples donnés par Robin des bois sont frappants : « 3 porte-conteneurs Maersk ont abandonné le pavillon du Danemark pour celui de Hong Kong avant d’être vendus pour démolition 8 mois plus tard sous les nouvelles couleurs de Palaos ou de Kiribati.

Même chose avec 2 porte-conteneurs d’APL, la filiale singapourienne de la CMA CGM passés du pavillon  maltais à celui du Libéria puis de Palaos. »*

Résultat de ces incroyables magouilles : sur les 139 navires démantelés en 2019, « les deux tiers ont été démolis dans le sous-continent indien où aucun chantier n’était agréé, auxquels il faut ajouter les navires démolis dans tous les chantiers turcs non agréés ».*

Accidents mortels en progression

Au Bengladesh, alors que cette activité a été ralentie par la crise, le nombre de morts par accidents du travail augmente depuis trois ans sur ces chantiers. En 2019, « au moins 24 morts sont signalés par les syndicats contre 20 en 2018.»*  Les amendes infligées aux employeurs sont faibles ; les indemnités versées aux familles des travailleurs tués dérisoires.Le poids économique de cette branche au Bengladesh est si important qu’elle a les moyens de faire la pluie et le beau temps : « Faute de moyens financiers et humains de l’État, les améliorations éventuelles dépendent du bon vouloir des industriels de la démolition qui fournissent 60% des besoins en acier du Bangladesh. »*

« L’Union européenne roule sans freins et sans clignotants »,* conclut l’article.


Les super-profits d’un business à hauts risques

La ferraille est au cœur du commerce des navires en fin de vie. Une plateforme pétrolière par exemple pèse près de 70 000 tonnes d’acier. Au cours actuel de l‘acier, environ 35 millions d’euros de métal y sont à récupérer.

91 % des navires sont démantelés dans trois pays

Le marché du démantèlement est vaste : 4,7 millions de tonnes en 2019 pour 149 navires.

Trois pays s’en partagent la quasi- totalité :
Bengladesh : 50%

Inde : 28%

Turquie : 13%

Il y a 20 ans, le Clemenceau

Une mobilisation internationale a permis d’empêcher le démantèlement du « Clem » en Inde dans la baie d’Alang par des « désamianteurs aux pieds nus », ni formés ni protégés.

Le « Clem » a donc été désamianté en Grande-Bretagne par la société Able UK.

Les travaux ont été retardés par la découverte de matériaux amiantés dont la présence n’avait pas été signalée par le ministère de la Défense.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°69 (octobre 2022)

Bulletin adhesion 2023