« J’ai 38 ans. Je suis syndiqué depuis 2005 à Sud-Rail, où j’ai maintenant des responsabilités syndicales régionales et fédérales.  Je voudrais expliquer ici, comment notre génération militante s’est saisie de la question de l’amiante.

Dans les premiers temps, l’amiante n’occupait pas une place éminente dans notre activité syndicale.

Avant 2009, des anciens de Sud-Rail  avaient fait une véritable veille syndicale sur cette question.  Mais, pour la jeune génération, il faut avouer que le sujet « amiante » était passé sous les radars.

Je m’y suis investi, suite à l’alerte  lancée par des cheminots et cheminotes chargés de l’entretien des wagons de fret qui avaient trouvé de l’amiante dans certaines pièces mécaniques. On ne ne se rend pas compte de l’impact énorme de cette question quand on n’est pas soi-même touché. Après une telle découverte, quand le syndicat est sur le site, on ressent de la peur, de la colère... On mesure l’importance des enjeux.

En fait, l’amiante nous est tombé sur la tête. C’est quelque chose de violent. On réalise que la direction connaissait le danger depuis 20 ans : elle savait qu’il y avait de l’amiante dans les crapaudines et les glissoires. Elle n’a rien dit et rien fait.

On se rend compte que cela touche des questions graves : la Santé, la Vie, la Mort de nos collègues, nos proches...

On réalise que le problème concerne des milliers de wagons. C’est une montagne à gravir. Nous avons compris que nous ne la gravirions pas seuls. Il fallait avancer avec les salariés et ne pas faire à leur place. Nous avons encouragé l’usage du droit de retrait. Nous avions affaire à une véritable crise de l’amiante à la SNCF. Il fallait en faire une de nos priorités d’action.

Notre action a  été perturbée par la liquidation des CHSCT et la mise en place des CSE par le gouvernement.  Malgré cette difficulté, nous avons fait voter en CSE des expertises indépendantes sur l’amiante. Informés par des lanceurs et lanceuses d’alertes, nous avons engagé des actions en justice, au civil (avec le préjudice d’anxiété) et au  pénal  (avec la mise en danger de la vie d’autrui).

Nous avons remporté une première victoire à Ambérieu contre une société d’intérim le 30 mai 2022. D’autres dossiers seront plaidés en octobre au conseil de Prud’hommes de
Bobigny. Cette bataille sur l’amiante dans les wagons de fret a libéré la parole des salariés dans toutes les activités de la SNCF. La direction avait dit qu’il n’y avait pas d’amiante dans les cabines de pilotage des TGV. Nous avons découvert qu‘il y en avait sous le pupitre du conducteur. Des rames entières de TGV et de TER ont été réformées. C’était la preuve que notre alerte était justifiée, que la direction n’a aucune politique de recensement du parc national et que le désamiantage reste un énorme problème et un chantier à venir  à la SNCF.

Julien TROCCAZ


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°69 (octobre 2022)