Un marin embarqué sur les navires et sous-marins de la Marine nationale avait engagé une action pour faire reconnaître le préjudice d’anxiété lié à son exposition à l’amiante. Le tribunal administratif de Rennes avait condamné l’Etat à lui verser 5000 euros en réparation de son préjudice moral d’anxiété. La ministre des Armées a formé un appel que la Cour administrative d’appel de Nantes a rejeté. La ministre a déposé un pourvoi devant le Conseil d’Etat que ce dernier a rejeté par un arrêt du 28 mars 2022, Quelques jours après, le 13 mai, le conseil d’Etat s’est de nouveau prononcé dans l’intérêt cette fois de 17 marins. La responsabilité de l’État-employeur est systématiquement reconnue.

L’arrêt du Conseil d’Etat  précise le cadre juridique de sa décision : la personne qui veut obtenir la reconnaissance de son préjudice moral d’anxiété par l’Etat-employeur doit « établir une exposition effective aux poussières d’amiante susceptible de l’exposer à un risque élevé de développer une pathologie grave et de voir par là même son espérance de vie diminuée, peut obtenir réparation de son préjudice moral tenant à l’anxiété de voir ce risque se réaliser. »

Si elle fait cette démonstration, « la personne a droit à l’indemnisation de ce préjudice, sans avoir à apporter la preuve de manifestations de troubles psychologiques engendrés par la conscience de ce risque élevé de développer une pathologie grave. »

L’inhalation de fibres d’amiante « dans un espace clos et confiné »

Dans ce cas précis, le plaignant avait occupé la fonction de commis aux vivres.

Le Conseil d’Etat a considéré que pouvaient obtenir réparation d’un préjudice d’anxiété indemnisable « les marins qui, sans intervenir directement sur des matériaux amiantés, établissent avoir, pendant une durée suffisamment longue, exercé leurs fonctions et vécu de nuit comme de jour, dans un espace clos et confiné comportant des matériaux composés d’amiante, sans pouvoir, en raison de l’état de ces matériaux et des conditions de ventilation des locaux, échapper au risque de respirer une quantité importante de poussières d’amiante ».

Un arrêt intéressant qui prend en compte la spécificité des situations de travail dans la marine, avec notamment une présence massive d’amiante sur les navires, l’importance du travail en espace confiné et celle des expositions indirectes aux fibres d’amiante.


JURISPRUDENCE

Des précisions sur la prescription des actions contre l'Etat.

Un bénéficiaire de l'Acaata avait attaqué "l'Etat régulateur" devant e tribunal administratif de Toulon pour le préjudice moral d'anxiété résultant de carences fautives de l'Etat dans la prévention du risque amiante. 

S'étant heurté à un refus, du tribunal administratif, il a fait appel. Avant de statuer, la Cour d'appel administrative de Marseille a demandé l'avis du Conseil d'Etat. 

Par un arrêt du 21 avril 2022, le Conseil d'Etat a apporté des précisions sur le délai de prescription. 

Ce délai est de quatre ans à partir du moment où l'allocataire a eu connaissance de l'existence d'un risque élevé de développer une maladie grave du fait de son exposition.

Le point de départ de ce délai est la date de publication de l'arrêté inscrivant l'établissement sur les listes ouvrant droit à l'Acaata. 

Le délai de prescription n'est interrompu ni par les recours engagés par d'autres victimes à l'encontre de l'Etat ni par ceux visant une autre collectivité publique, ni par les actions en faute inexcusable de l'employeur.

Mais ce délai est interrompu par une action du plaignant au pénal avec constitution de partie civile contre la collectivité publique.     


Article paru dans le Bulletin de l'Andeva n°68 (juin 2022)