Vers une modification importante des tableaux « amiante »

Le lien entre l’amiante et les cancers du larynx et de l’ovaire est classé « avéré » depuis longtemps par le Centre international de recherche sur le cancer.
Les données scientifiques récentes confirment l’existence de ce lien. L’Anses recommande d’inscrire ces deux cancers dans les tableaux de maladies professionnelles. L’Etat doit prendre ses responsabilités.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) considère le lien causal entre l’amiante et les cancers du larynx et de l’ovaire comme « avéré » depuis 2009.  Ce lien a été confirmé par une expertise de L’Anses début 2022, à la lumière des données scientifiques les plus récentes. Pour ces deux pathologies, « l’existence d’une relation causale doit être considérée comme un argument fort en faveur de la création d’un tableau par l’Etat dans les deux régimes général et agricole ».

Une recommandation du Parlement européen

Une résolution du Parlement européen, votée le 20 octobre 2021, recommande aux Etats membres d’inclure les cancers du larynx et de l’ovaire liés à l’amiante dans les listes de maladies professionnelles. C’est déjà le cas en Norvège, Autriche, Allemagne, Belgique, Danemark, Portugal et Luxembourg.  En France,  à ce jour, ces pathologies sont encore « hors tableaux » et leur reconnaissance s’est heurtée jusqu’ici à de grandes difficultés :  en l’absence de présomption d’origine, la personne malade doit démontrer l’existence d’un « lien direct et essentiel » entre son exposition professionnelle à l’amiante et sa maladie. Et le taux d’incapacité permanente « prévisible » indiqué par le médecin-conseil de la CPAM doit être supérieur à 25%.  D’où le rejet de nombreuses demandes.Auditionnée par l’Anses en juin 2021, l’Andeva avait dénoncé cette injustice et demandé que ces cancers fassent l’objet d’un tableau.

Quels critères pour être reconnu ?

La question est à l’ordre du jour des commissions spécialisées du  Conseil d’orientation des conditions de travail  (COCT) où siègent les organisations syndicales et patronales. On ne sait s’il s’agira d’un enrichissement des tableaux 30 et 30 bis ou de la création de deux tableaux séparés. La discussion portera sur la rédaction de chaque colonne du tableau.

La première colonne concerne la désignation de la maladie. L’Anses recommande de prendre en compte deux pathologies : 

1) la « tumeur maligne primitive » du larynx ou de l’ovaire

2) des lésions pré-cancéreuses qui peuvent survenir 10 ans plus tôt et dont l’ablation peut prévenir la survenue d’un cancer (« lésions dysplasiques de haut grade » pour le larynx, « tumeur borderline » pour l’ovaire)

Pour l’ovaire, l’Anses recommande aussi de préciser le siège anatomique de la pathologie (ovaire, séreuse tubaire et séreuse péritonéale).

La deuxième colonne concerne le délai de prise en charge entre la fin de l’exposition à l’amiante et la survenue de la maladie. L’Anses « recommande de mettre en discussion un délai de prise en charge d’au moins 35 ans, comme pour le cancer bronchopulmonaire ».

La troisième colonne concerne la liste des travaux susceptibles d’exposer à l’amiante.  L’Anses précise que : « La liste des travaux exposant à l’amiante ayant pu être identifiée au travers de cette expertise ne peut être considérée comme exhaustive et constitue donc à ce titre une liste indicative ».
Des travaux absents de cette liste doivent donc être pris en compte, s’ils exposent à l’amiante (la liste ne doit pas être limitative).

Comme à son habitude, le MEDEF fera sans doute pression pour diminuer le nombre de maladies prises en charge par l’introduction de critères les plus restrictifs possible. La vigilance s’impose. L’Andeva demandera à être reçue par la Direction générale du Travail.


Article paru dans le Bulletin de l'Andeva n°68 (juin 2022)