Arnaud Scherpereel est responsable du service de Pneumologie et Oncologie thoracique, au CHU de Lille.  Il est aussi coodonnateur de NETMESO, le réseau national des centres experts pour la prise en charge des mésothéliomes pleuraux malins. En mars 2016, nous nous étions retrouvés pour une journée co-organisée par l’Andeva et le réseau Mesoclin sur le thème : « Cancers de l’amiante : écrire l’avenir ; médecin et malades débattent et proposent ». Il fait ici le point sur l’immunothérapie et le mésothéliome pleural malin en 2021.

Qu’a apporté l’immunothérapie dans le traitement des tumeurs malignes ?

L’immunothérapie représente une révolution dans le traitement anti-tumoral car celui-ci ne cible plus seulement et directement les cellules cancéreuses mais le patient lui-même, afin de restaurer des défenses immunitaires anti-tumorales normales et efficaces.

Des immunothérapies occupent désormais une place centrale dans les options thérapeutiques disponibles pour les deux cancers thoraciques, de pronostic global péjoratif, pouvant être induits par une exposition antérieure à l’amiante : le mésothéliome pleural malin (MPM) et le cancer du poumon.

Ainsi, pour le traitement de ces cancers, on est passé en quelques années de la « Préhistoire » à la « Renaissance » grâce à l’immunothérapie et à des traitements dits ciblés.

Comment se fait le passage des essais cliniques aux autorisations de mise sur le marché ?

Pour le MPM, les options thérapeutiques étaient limitées et  aucun traitement de deuxième ligne (en cas d’échec de la chimiothérapie) n’était validé à ce jour.

L’immunothérapie (par des anticorps anti-PD-1/PD-1 ± anti-CTLA-4) a permis une augmentation prometteuse de l’espérance de vie des malades,  comparée aux traitements standards, dans de grands essais récemment publiés (IFCT MAPS-2, BMS, CA 209-743, CONFIRM…).

Validée désormais par des recommandations françaises et internationales, l’immunothérapie sera très bientôt accessible en routine dans le cadre d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU/RTU) de l’HAS [Haute autorité de Santé] dès la première ligne de traitement ou en cas de récidive du MPM.

Comment se déroulent les discussions sur la stratégie de prise en charge des malades ?

En France, ces ATU/RTU sont discutées pour chaque malade en réunion de concertation pluri-disciplinaire (RCP régionale ± nationale) dédiée du réseau national INCa des centres experts du MPM, « NETMESO » (union des réseaux « MESOCLIN » et « MESOPATH ») dont le but est de proposer la meilleure prise en charge possible à tous les malades et leur permettre d’accéder aux traitements innovants issus de la recherche clinique et translationnelle, en collaboration étroite avec ses partenaires dont l’ANDEVA et les autres associations de patients.

D’autres avancées dans les traitements sont-elles encore possibles ?

Il reste encore beaucoup à faire car d’une part, tous les malades ne répondent pas à l’immunothérapie, d’autre part, certains malades vont présenter des toxicités parfois sévères à ces traitements.

Enfin, nous n’avons pas encore de biomarqueurs sanguins ou tissulaires tumoraux, fiables en routine, permettant  de prédire à coup sûr quels malades vont répondre à l’immunothérapie et/ou présenter des effets indésirables. C’est pourquoi, de nombreuses études cliniques sont en cours en France et dans le monde afin de rechercher ces marqueurs et améliorer l’efficacité des immunothérapies (actuelles ou en développement) seules oucombinées à de la chimiothérapie, des thérapies ciblées, d’autres types d’immunothérapies, une chirurgie ou une radiothérapie, un traitement  comme la thérapie photodynamique (PDT)… etc. Ainsi, même si l’immunothérapie est un vrai espoir apparu pour les malades des cancers de l’amiante, il est donc essentiel que tous ensemble nous continuions à travailler pour faire avancer la recherche de nouveaux traitements et biomarqueurs, et la participation des malades aux essais cliniques est fortement encouragée.

Nous vous remercions pour votre soutien, fondamental pour les malades et nos équipes !

 


Une enquête policière pour
comprendre l’immunothérapie

Une étonnante application est en ligne sur le site immunotoon.com.

Conçue par le Pr Arnaud Scherpereel, le Dr Clément Gauvain, Eric Wasielewski et l’équipe du Service de Pneumologie et Oncologie Thoracique du CHU de Lille, cet outil simple et ludique permet de comprendre l’immunothérapie anti-tumorale au travers des aventures de la « Police du Corps humain.» Tout au long de l’animation des points d’alerte permettent d’accéder à des schémas explicatifs médicaux ou scientifiques.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°65 (avril 2021)