Par ses arrêts du 5 avril et du 11 septembre, la Cour de cassation a élargi la reconnaissance du préjudice d’anxiété à « tout salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave ».  Ces arrêts marquaient une importante avancée, mais ils laissaient ouvertes deux questions essentielles : la prescription et la possibilité d’une mise en cause de l’Etat en tant que contrôleur du respect des normes. Sur ces deux questions, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont tranché dans un sens défavorable aux amiantés.

 

Dans une action sur le préjudice d’anxiété, le délai de prescription est-il de 5 ans ou de 2 ans  ?

La question était posée. La Cour de cassation y a répondu : le délai applicable est de deux ans, conformément à l’article L. 1471-1 du Code du travail qui précise que « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».

Le point de départ de ce délai est la connaissance du danger. Pour les établissements inscrits sur les listes ouvrant droit à la « pré-retraite amiante »,  la Haute Cour juge que cette connaissance débute le jour de l’inscription de l’établissement au Journal Officiel.

Un arrêt du 8 juillet 2020 de la Cour de cassation précise que ce point de départ « ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin ».

Dans une action sur le préjudice d’anxiété, la responsabilité de l’Etat peut-elle être engagée, comme contrôleur du respect des normes amiante ?

L’inspection du travail n’avait fait aucun contrôle  chez Normed depuis le décret « amiante » du 17 août 1977 jusqu’à la fin d’activité du requérant, dix ans plus tard.

Le rapporteur public  avait conclu que cette inaction prolongée de l’inspection du travail constituait une faute lourde engageant la responsabilité de l’Etat-contrôleur du respect des normes.

Le Conseil d’État ne l’a pas suivi, jugeant que l‘inaction des pouvoirs publics, ne suffisait pas à constituer une faute de l’Etat.

Maître Jean-Louis Macouillard estime que « cette décision est très décevante. Nous continuons à penser que, si l’inspection du travail avait agi, des vies auraient pu être sauvées. Les magistrats du Conseil d’État ont manqué l’occasion de fustiger une inaction coupable de l’État face à une exposition qui aurait pu être évitée.»

Quelles seront les conséquences de cette décision  ? « Dans tous les litiges de même nature, prévoit Jean-Louis Macouillard, il ne sera plus possible de faire condamner l’Etat pour une  exposition à l’amiante postérieure au décret « amiante » du 17 août 1977 au sein d’une entreprise privée, ni sous l’angle de l’insuffisance des normes ni sous celui de l’inexistence du contrôle par l’inspection du travail.»

La responsabilité de l’Etat ne sera prise en compte que pour des expositions au sein d’entreprises privées antérieures au 17 août 1977.

[avant cette date, il n’existe aucune norme spécifique réglementant les expositions à l’amiante].

Il importe de souligner que cet arrêt défavorable ne remet pas en cause la responsabilité de l’État lorsqu’il est l’employeur.

« Les ouvriers d’État, les fonctionnaires et  les marins pourront continuer à être indemnisés comme avant », précise Jean-Louis  Macouillard. 

Enfin, si un requérant a travaillé pour un temps avant 1977 puis, après 1977, au sein d’une entreprise, il est possible de demander réparation mais pour la seule période précédant 1977. »


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°65 (avril 2021)