Le décret du 14 septembre 2020 sur l’indemnisation des victimes professionnelles du COVID 19 n’est pas seulement restrictif et injuste. Il est aussi attaquable sur le terrain du droit. C’est pourquoi
l’Andeva a saisi le Conseil d’État.
Le décret du 14 septembre 2020 a créé deux tableaux de maladies professionnelles (N° 100 et 60) réservés aux seuls soignants. Toutes les autres demandes seront confiées à un Comité régional de reconnaissance (CRRMP) unique au plan national.
1) Le tableau 100 ne prend pas en compte toutes les données scientifiques
Le tableau 100 des maladies professionnelles du régime général (tout comme le tableau 60 du régime agricole) ne vise que « les affections respiratoires aigües (…) ayant nécessité une oxygénothérapie ou toute forme d’assistance ventilatoire (…) ou ayant entraîné la mort ».
Cette définition restrictive ne correspond pas aux données actuelles de la science, telles qu’elles figurent dans les publications de l’INSERM, de l’Académie nationale de médecine ou de l’Institut Pasteur. L’’infection peut en effet provoquer des atteintes pulmonaires résiduelles (fibrose pulmonaire), mais aussi des atteintes cardiaques, rénales, vasculaires, cérébrales, neurologiques, psychiques, pouvant survenir sans que la victime ait dû suivre une oxygénothérapie (voir page suivante). Or, dans, le tableau 100, aucune de ces atteintes n’est mentionnée.
En fait, comme le souligne Morane Keim-Bagot, juriste spécialisée en droit de la Sécurité sociale, ce tableau « crèe une inégalité en renvoyant la reconnaissance du Covid-19 non pas
au fait d’avoir contracté
la maladie mais à la thérapeutique mise en place : l’oxygénothérapie ou toute autre forme d’assistance respiratoire. »
2) La liste limitative de travaux se cantonne strictement aux soignants
Les salariés qui ont été touchés par la Covid-19 en exerçant des métiers de la vente alimentaire, de la propreté, ou des services régaliens tels que les pompiers ou les policiers sont exclus de ce tableau de maladie professionnelle.
Le ministère de la Santé a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’incluant pas des travaux qu’une étude récente de Santé publique France considère comme « soumis à un risque infectieux par un contact direct avec le public ».
3) Un Comité « régional-national » réduit à deux personnes
Les dérogations prévues à l’article 3 du décret permettent de confier l’instruction de toutes les demandes « hors tableau » à un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) unique au plan national, dont l’effectif sera réduit à deux personnes.
Ce faisant, elles privent tous les non-soignants non seulement de la présomption d’imputabilité instaurée par l’article L 461-1 du Code de la Sécurité sociale, mais encore de la présence du médecin inspecteur régional du travail, qui se retrouve exclu de ce « CRRMP spécial COVID », alors qu’il est présent dans les comités de toutes les régions et peut y apporter des compétences particulières sur les maladies liées au travail.
4) L’obstacle des 25%
Toutes les victimes n’ayant pas eu d’oxygénothérapie - soignants ou non - devront non seulement apporter la preuve d’un « lien direct et essentiel » entre l’exposition et la maladie mais aussi obtenir du médecin conseil un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) supérieur ou égal à 25%.
L’Andeva espère que le Conseil d’État contraindra le gouvernement à revoir sa copie.
Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°65 (avril 2021)