Le 20 janvier, dans le dossier Everite, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a refusé que l’instruction du procès pénal soit close par un non-lieu.  C’est une victoire. Un verrou a sauté. Mais le parquet s’acharne et la partie n’est pas gagnée.

Deux arguments fallacieux...

Tous les non-lieux rendus par les magistrats du pôle de santé publique se basaient sur deux arguments :

1) Il est impossible de dater l’intoxication par les fibres d’amiante et donc d’en attribuer la responsabilité à quiconque.

2) On ne peut pas condamner plusieurs chefs d’établissement successifs, car en droit pénal, la responsabilité collective n’existe pas.

... réfutés par la cour d’appel

La Cour d’appel a jugé que le premier argument se basait sur une lecture erronée du rapport d’expertise Lasfargues, Similowski et Pralong. Elle précise que pour ces trois experts, l’intoxication par les fibres d’amiante ne résulte pas d’un « événement ponctuel » qui serait dû à l’action d’une fibre, mais « d’un processus « d’accumulation » des fibres respirées. Dès lors, c’est toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et / ou au décès. (...) C’est la période d’exposition qui doit être considérée comme le laps de temps pendant lequel la personne a été exposée à l’agent toxique, contaminée et intoxiquée. »

La cour d’appel a aussi sanctionné le second
argument
sur une prétendue impossibilité d’incriminer plusieurs chefs d’entreprise successifs  : « Chaque dirigeant successif peut avoir participé à son échelle de responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres d’amiante. Le fait que plusieurs personnes aient pu contribuer à la réalisation de l’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des victimes ne présente aucune difficulté sur le terrain de la responsabilité pénale et ne conduit pas à reconnaitre une responsabilité collective contraire aux principes fondamentaux de droit pénal ». La Cour d’appel a donc infligé un désaveu cinglant aux juges d’instruction et au parquet de Paris.

« Cette nouvelle nous redonne l’espoir d’un procès », a réagi Madeleine Giaretta.  Son mari, Gilbert et le frère jumeau de ce dernier, Angelo, avaient travaillé chez Everite à Dammarie-les-Lys (77). Tous deux sont décédés d’un mésothéliome.

Mais le parquet s’acharne, Il s’est pourvu en cassation et a demandé que soient ajournées sine die toutes les audiences des autres affaires pour lesquelles la même cour d’appel allait infirmer des non-lieux (DCN, Eternit, Valeo).

Après 25 ans d’instruction, il joue encore la montre, en espérant compromettre la tenue d’un procès qui risque finalement de ne pas avoir lieu, faute de combattants.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°65 (avril 2021)