Le 3 juin, les Prud’hommes de Compiègne ont condamné Saint-Gobain à verser 20 000 euros à chacun des 128 salariés de l’usine Saint-Gobain à Thourotte en Picardie, une usine de fabrication et de transformation du verre qui n’a pas été inscrite à ce jour sur les listes ouvrant droit à la « pré-retraite amiante ».

« Saint-Gobain a manqué à son obligation de sécurité »

« C’est une grande satisfaction d’obtenir réparation de ce préjudice, se félicite Élisabeth Leroux, l’avocate des salariés. Jusqu’à présent, la Cour de cassation limitait sa reconnaissance aux seuls salariés dont l’établissement est inscrit sur des listes ouvrant droit à la « préretraite amiante ». L’établissement de Thourotte n’était pas inscrit, et pourtant le préjudice d’anxiété a été reconnu. C’est la première décision de justice qui prend en compte le revirement de jurisprudence du 5 avril dernier.
La cour a reconnu que Saint-Gobain avait manqué à son obligation de sécurité.
L’indemnisation accordée par le conseil des Prud’hommes est la même pour tous. Le tribunal n’a pas fait de distinction entre plaignants. Il a accordé 20 000 euros à chacun d’entre eux. »

Une crainte justifiée d’avoir un jour une maladie grave

« Nous avons démarré cette bataille pour le préjudice d’anxiété en 2013, se souvient Jean-Claude Patron, animateur du collectif CGT et membre de l’Ardeva Picardie. La préparation des dossiers a été un travail énorme. Les collègues nous apportaient des papiers. Chacun d’eux a été reçu au moins deux ou trois fois. Sans le soutien de l’Ardeva et du syndicat, nous n’aurions jamais réussi. »

Jean-Claude souligne que la crainte d’avoir un jour une maladie grave est malheureusement justifiée : « Depuis 2013, cinq des plaignants - non malades au départ - sont décédés d’une maladie liée à l’amiante. Après le jugement, deux nouveaux cas de maladies professionnelles se sont déclarés chez des membres de notre collectif. »

« On leur devait bien ça ! »

Le 20 juin, lorsque les dossiers des 732 mineurs de Lorraine multi-exposés à des cancérogènes ont été plaidés à la Cour de cassation, le collectif a rempli un car pour venir à Paris leur apporter sa solidarité.

« On leur devait bien ça ! », dit Jean-Claude.

Saint-Gobain a fait appel

Lors de l’assemblée générale des actionnaires, qui s’est tenue quelques jours après le jugement, Pierre-André de Chalandar, le PDG du groupe Saint-Gobain, n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet. « Si nous faisons appel, c’est pour avoir étudié le jugement et pour des raisons techniques, a-t-il expliqué. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas sensibles à cette question et que Saint-Gobain se tourne vers le déni ». Un jésuite n’aurait pas dit mieux...

Le combat continue.