Depuis le début de l’année, les victimes de l’amiante ont remporté une série de victoires judiciaires décisives qui devraient marquer une étape importante dans le combat que nous menons, à la fois pour établir les responsabilités et pour réparer les préjudices. Ces décisions devraient aussi inciter le gouvernement à apporter une réponse politique aux demandes des victimes.
Au pénal tout d’abord, la première mise en examen d’un employeur est tombée. Un symbole : c’est à Clermont-Ferrand, dans le dossier " Amisol ", cette usine tristement célèbre dès le tout début du scandale de l’amiante, que la justice demande des comptes. Dans l’immédiat, c’est aux industriels de s’expliquer. Mais demain, à Dunkerque ou ailleurs, les autres acteurs de ce dossier seront également sur la sellette. A commencer par les pouvoirs publics qui n’ont pas rempli leur mission de veille sanitaire et ceux qui dans le corps médical - et particulièrement chez les médecins du travail - ont laissé faire. L’affaire de l’amiante ne fait que commencer. Compte tenu de l’ampleur de la catastrophe sanitaire et du temps incroyable qui s’est écoulé sans réaction significative de prévention, alors que les risques étaient connus, les victimes attendent que la justice détermine les responsabilités. Toutes les responsabilités.
Au plan de l’indemnisation ensuite, les décisions rendues par les Commissions d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi) des Tribunaux de Grande Instance de Cherbourg et de Dunkerque devraient modifier le cours des choses. Et pas seulement pour les victimes de l’amiante. Toutes les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sont concernées. Pour la première fois en effet, un tribunal s’est prononcé en faveur de l’indemnisation de tous les préjudices subis par une victime de l’amiante et a estimé le montant de l’indemnisation à un niveau équivalent à celui des hémophiles et transfusés, victimes de la contamination par le VIH.
Nous disposons là d’une voie nouvelle pour obtenir ce que nous réclamons depuis longtemps : l’indemnisation intégrale pour toutes les victimes de l’amiante. Cette voie, nous allons maintenant l’utiliser " à fond ", parce que la mission fondamentale de l’ANDEVA est d’abord d’obtenir l’indemnisation la plus importante possible pour les victimes. Comme nous l’avons fait pour les fautes inexcusables, demain, ce seront cinquante, cent, cinq cent procédures qui seront engagées devant les Civi. Il est évident que cela va représenter un enjeu financier considérable. Cela dit, nous savons que l’indemnisation qui sera ainsi versée aux victimes sera prélevée sur les contrats d’assurances de bien. Et nous ne pouvons nous satisfaire d’une solution qui exonère les industriels de l’amiante et la branche " Accidents du travail / Maladies professionnelles " de leurs responsabilités financières.
La justice a montré le chemin. Il revient maintenant au gouvernement d’appliquer le principe " pollueur / payeur " : Il doit prendre une décision politique en faisant voter une loi d’indemnisation loi qui assure une réparation intégrale de tous les préjudices pour toutes les victimes, et situe clairement les responsabilités. En s’engageant dans cette voie, il afficherait la reconnaissance de la société envers ceux qu’elle n’a pas su protéger.
François DESRIAUX
Président de l’ANDEVA
Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°5 (1999)