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Vincennes, le 22 janvier 2021.

Communiqué de presse

La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris infirme les non-lieux

Désormais, les conditions sont réunies pour qu’un procès pénal de l’amiante ait lieu. Dans un arrêt daté du 20 janvier, dont l’Andeva et ses avocats ont pu prendre connaissance ce jour, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, infirme le non-lieu délivré à l’été 2019 sur le dossier Everite par les magistrats du Pôle judiciaire de santé publique. Comme la motivation de la Cour d’appel repose sur des éléments scientifiques et juridiques de principe, cet arrêt devrait être décliné dans tous les dossiers que doit encore examiner cette même chambre de l’instruction, Valéo, Eternit, Direction des constructions navales (DCN). C’est une première victoire pour les victimes de l’amiante et, au-delà, pour toutes les personnes exposées à des substances cancérogènes.

« Cette nouvelle nous redonne l’espoir d’un procès », a réagi Madeleine Giaretta.  Son mari, Gilbert et le frère jumeau de ce dernier, Angelo, avaient travaillé de nombreuses années sur le site de l’usine Everite de Dammarie-les-Lys en Seine-et-Marne, spécialisé dans la fabrication de tôles et de canalisations en amiante-ciment. Ils sont décédés tous les deux d’un mésothéliome, le « cancer de l’amiante ».

Madeleine a appris ce matin que les magistrats de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris avaient infirmé le non-lieu délivré par les magistrats du pôle judiciaire de santé publique de Paris, à l’été 2019.

Pour l’Andeva et ses associations régionales, et pour toutes les victimes de l’amiante, cet arrêt de la Chambre de l’instruction qui, de toute évidence, devrait être décliné sur toutes les autres affaires pour lesquelles un appel a été interjeté, signe le désaveu des juges d’instruction du pôle judiciaire de santé publique et du parquet. Comme les victimes ne cessent de le crier depuis le mois de juin 2017, l’arrêt confirme que les magistrats instructeurs ont fait une lecture totalement erronée du rapport d’expertise scientifique Lasfargues, Similowski, Pralong, en ce qui concerne les mécanismes d’intoxication par les fibres d’amiante, lesquels ne sont pas le fait de l’action d’une fibre, mais d’un processus cumulatif à l’œuvre dès la première exposition.

Ainsi, on peut lire dans l’arrêt : « Alors que l’analyse juridique de l’ordonnance déférée repose sur la notion d’intoxication comme un événement ponctuel, cette notion d’intoxication résulte selon les experts d’un processus « d’accumulation », des fibres respirées. Dès lors, c’est toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et / ou au décès. Après avoir précisé à quoi correspondaient les concepts d’exposition, de contamination et d’intoxication en matière d’agents pathogènes, le rapport d’expertise générale indique d’ailleurs « pour l’ensemble des pathologies liées à l’amiante hors asbestose, le risque débute dès l’exposition et l’intoxication est concomitante à la contamination dans la mesure où il s’agit d’un produit toxique pour lequel il n’existe pas de seuil en dessous duquel il ne serait pas dangereux ».

« Le rapport d’expertise ne dit pas qu’il n’y a pas de date précise de contamination mais que dans les modèles de risque sans seuil, la période d’exposition, la période de contamination et la période d’intoxication coïncident. C’est la période d’exposition qui doit être considérée comme le laps de temps pendant lequel la personne a été exposée à l’agent toxique, contaminée et intoxiquée. »

Le raisonnement des juges d’instruction est également sanctionné par la Cour en ce qui concerne l’impossibilité juridique de pouvoir relier les dommages pour les victimes avec les actes des différents dirigeants successifs des établissements où elles ont été contaminées. « Chaque dirigeant successif, écrivent les magistrats de la Cour, peut avoir participé à son échelle de responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres d’amiante. Le fait que plusieurs personnes aient pu contribuer à la réalisation de l’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des victimes ne présente aucune difficulté sur le terrain de la responsabilité pénale et ne conduit pas à reconnaitre une responsabilité collective contraire aux principes fondamentaux de droit pénal puisque c’est l’indivisibilité des actes en cause qui se servent mutuellement de support et convergent vers une unité de réalisation, de sorte que chaque éventuel mis en examen ne peut se voir éventuellement reproché que son propre fait. Ainsi, il appartient aux juges d’instruction de poursuivre l’information en recherchant les éventuels indices graves ou concordants à l’encontre d’un dirigeant ou de personnes bénéficiaires de délégations de pouvoir. »

Si les victimes de l’amiante peuvent se féliciter de cette victoire qui leur redonne espoir qu’un procès de l’amiante puisse enfin avoir lieu, elles déplorent en revanche les errements des juges d’instruction sur des aspects évidents et connus depuis des décennies, qui ont fait perdre trois ans de plus sur un dossier ouvert depuis un quart de siècle.

En conséquence, l’Andeva et les victimes demandent instamment à Madame Catherine Champrenault, Procureur général près la Cour d’appel de Paris, de ne pas se pourvoir en cassation. Trop de temps a été perdu, un pourvoi retarderait encore la possibilité qu’un procès pénal permette de faire la lumière sur l’enchainement des responsabilités dans la plus importante catastrophe sanitaire que le pays ait connue.

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