La Russie osera-t-elle bloquer à nouveau l’inscription de l’amiante chrysotile  sur la liste des produits dangereux ?

Avec d’autres associations et organisations de toute la planète regroupées dans la coalition ROCA, l’Andeva sera à Genève en mai prochain à l’occasion de la Convention de Rotterdam. ROCA fera entendre la voix des défenseurs de la santé et de l’environnement du monde entier, en dénonçant l’action malfaisante
du lobby des grands pays producteurs et consommateurs d’amiante  qui ont déjà réussi  à bloquer depuis 10 ans l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux.

Qu’est-ce que la Convention de Rotterdam ?

Créée en 1998 sous l’égide de l’ONU, cette convention est entrée en vigueur en 2004.

Son champ d’action est le commerce international de certains produits chimiques dangereux.

Sa mission officielle est de contribuer à la protection de la santé des personnes et de l’environnement par un échange d’informations sur certains produits dangereux.

Les pays de l’Union européenne, le Canada, l’Inde, le Mexique et le Brésil ont adhéré par exemple à la Convention de Rotterdam, la Russie tout récemment. Les Etats-Unis   ne sont pas membres.

Les principes de la Convention

Elle établit une liste des produits dangereux. Elle n’oblige pas les états membres à les interdire, mais impose une « procédure de consentement préalable en connaissance de cause ».  

Le pays exportateur est tenu d’informer l’importateur sur le danger.  Le pays importateur est tenu de faire connaître officiellement sa décision.

La Convention prévoit aussi l’échange d’informations entre les pays sur les produits chimiques potentiellement dangereux qui pourraient être exportés et importés.

La liste des produits dangereux

La liste officielle des produits dangereux comprend aujourd’hui 29 pesticides et 11 produits chimiques industriels dont les amiantes amphibole (crocidolite, actinolite, amosite, anthophyllite et trémolite).

Mais l’amiante chrysotile - qui représente 95% de l’amiante commercialisé dans le monde - ne figure pas sur cette liste !

Cette aberration est le fruit des règles de fonctionnement de la Convention.

La règle d’unanimité est paralysante

Un produit dangereux ne peut être inscrit sur la liste que s’il y a unanimité des états pour procéder à cette inscription. Cette règle revient en pratique à donner un droit de veto aux états qui veulent faire du business en exportant la maladie et la mort sans en informer les pays clients.

Ainsi le gouvernement canadien sans vergogne s’est opposé par quatre fois (en 2004, 2006, 2008, 2011) à l’inscription de l’amiante chrysotile sur cette liste. En 2013, c’est la Russie qui s’est opposée.

L’Andeva a envoyé une lettre aux ambassadeurs d’Inde et de Russie (sur le site de l’Andeva, rubrique « International »). En 2013, une délégation de l’Andeva était à Genève. Nous y retournerons en 2015.

 


Les objectifs de ROCA

L’Alliance pour la Con­ven­tion de Rotterdam (ROCA) a été créée en 2008. C’est un groupement d’organisations non gouvernementales, associations intéressées par la santé publique, la santé au travail et l’environnement.

Leur but commun est de promouvoir une réelle et complète application de la Convention de Rotterdam. Elles défendent une vision du monde où les habitants seront protégés de substances chimiques dangereuses, auront accès à une information scientifique fiable et où le commerce de produits dangereux ne pourra pas s’effectuer sans un consentement éclairé préalable.

ROCA collabore avec les gouvernements, les scientifiques et les organisations qui défendent cet objectif.

ROCA a participé aux conférences des Parties de la Convention de Rotterdam en 2008, 2011 et 2013. Elle est intervenue notamment sur la question de l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux.


La position de l’OMS

Le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur l’amiante chrysotile  confirment des données déjà connues :

- Au moins 107 000 personnes par an  meurent d’amiante dans le monde.

- L’ensemble des variétés d’amiante sont cancérogènes.

- Il n’existe aucun d’un seuil pour l’effet cancérogène de l’amiante ; des excès de risque de cancer ont été observés à de très faible niveau d’exposition.

- Le moyen le plus efficace d’éliminer les maladies liées à l’amiante est donc de cesser d’utiliser l’amiante.

- Continuer à utiliser l’amiante-ciment dans la construction est dangereux,  vu le nombre de travailleurs exposés, la difficulté à contrôler les expositions, la dégradation des matériaux qui accroît le risque pour les interventions de maintenance, de rénovation ou de démolition.

L’OMS préconise pour ces utilisations le remplacement de l’amiante par des matériaux fibreux.

 


 

5 vetos en 10 ans !

A cinq reprises, des pays se sont opposés à l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux :

2004 :   Canada

2006 :   Canada, Inde, Iran, Kirghizstan, Pérou, 

2008 :   Canada, Inde, Kirghizstan, Mexique,
Pakistan, Philippines, Ukraine, Vietnam

2011 :   Canada

2013 : Russie, Inde, Kazakhstan, Kirghizstan, Ukraine, Vietnam, Zimbabwe

Qui sont les saboteurs de la convention ?

La Russie (premier producteur et exportateur mondial d’amiante). Produit un million de tonnes par an, dont les trois quarts sont exportés vers l’Asie et les pays de l’ex-URSS. A pris le relai du Canada, adhérant en 2013 à la Convention de
Rotterdam pour mieux la saboter de l’intérieur.

Le Kazakhstan (quatrième producteur mondial d’amiante). S’aligne en général sur la Russie.

L’Inde (premier importateur mondial d’amiante). S’est opposée en 2013 à l’information de sa population et de celle des autres pays importateurs sur le risque amiante. Son gouvernement se soucie davantage des profits des industriels importateurs d’amiante que des effets sur la santé des 400 000 tonnes d’amiante importées chaque année.

Le Zimbabwe (ancien gros producteur-exportateur d’amiante). N’exploite plus ses mines d’amiante. Refusera d’inscrire le chrysotile, pour ne pas faire de mauvaise publicité au produit (au cas où ses mines rouvriraient).

Les deux autres producteurs (Brésil et Chine) devraient s’abstenir, tout comme le Canada.

[La Chine, deuxième producteur mondial et premier consommateur, exporte assez peu ; le Brésil exporte la moitié de sa production et poursuit la discussion sur l’arrêt ou non de l’amiante]

Une incertitude plane sur la position de l’Ukraine, gros consommateur d’amiante russe, qui avait soutenu le Canada (en 2008) et la Russie (en 2013). 

Mars 2015 : début des grandes manoeuvres

Un « atelier technique sur l’amiante chrysotile » est convoqué fin mars sous les auspices des Nations Unies et du secrétariat de la Convention de Rotterdam. On y trouve - comme par hasard - des industriels de l’amiante d’Inde, d’Ukraine, du Zimbabwe ainsi que le docteur Kovalevsky,  membre de l’Académie de Médecine russe et grand défenseur de l’industrie de l’amiante...


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°48 (avril 2015)