Un numéro « spécial amiante » du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’Institut de veille sanitaire (INVS) fait le point sur les cancers liés à l’amiante. Il révise à la hausse les prévisions pour le mésothéliome. Il donne les premières estimations pour les cancers du larynx et de l’ovaire. Il met en évidence une connaissance non exhaustive des maladies et des expositions, ainsi qu’une sous-déclaration et une sous-indemnisation des victimes et des ayants droit.

18 ans après l’interdiction les cancers de l’amiante tuent encore

L’étude parue dans le BEH évalue entre 2200 et 5400 le nombre de nouveaux cas des cancers liés à l’amiante pour quatre sites (poumon, plèvre, larynx et ovaire) en 2012.

[Les cancers digestifs ne sont pas pris en compte dans cette évaluation]

Les cancers liés à l’amiante tueraient entre 1700 et 3800 personnes par an.

Mésothéliomes : le pic n’est  peut-être pas atteint

Contrairement aux prévisions antérieures, le nombre de mésothéliomes continue de progresser.

Cette progression est très nette quand on compare les données du programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM) pour la fin des années 90 et pour la fin des années 2010. Elle est particulièrement forte chez les femmes.

« Le pic d’incidence n’est peut-être pas encore atteint chez l’homme, contrairement à ce qui avait pu être avancé précédemment.» 

L’InVS n’exclut plus désormais que l’épidémie continue à se développer «  pendant une ou deux décennies dans notre pays ».

Cancers du larynx et de l’ovaire : les premières estimations

Les cancers du larynx et de l’ovaire liés à une exposition professionnelle à l’amiante sont évalués pour la première fois  dans ce type d’étude :

- de 129 à 731 nouveaux cas par an pour le cancers du larynx (dont de 35 à 201 décès)

- de 46 à 55 nouveaux cas par an pour le cancer de l’ovaire (dont de 31 à 37 décès)

Aucune de ces deux pathologies n’est à ce jour inscrite dans un tableau alors que leur lien avec l’amiante est confirmé par le Centre international de recherche sur le cancer.

Moins d’une dizaine de cas de cancers du larynx par an sont reconnus par un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnnelles (CRRMP) pour toute la France.

La connaissance des maladies et des expositions n’est pas exhaustive.

Depuis janvier 2012 le mésothéliome est une maladie à déclaration obligatoire (DO) comme la tuberculose, mais seul un cas sur deux a été déclaré la première année.

Le PNSM ne prend en compte que le mésothéliome pleural (86% des cas), mais n’inclut pas le mésothéliome du péritoine, du péricarde ou de la vaginale testiculaire.

Les expositions professionnelles et paraprofessionnelles des femmes sont plus difficiles à retrouver :  «  Un nombre élevé de femmes n’ont aucune exposition à l’amiante identifiée » (il s’agit souvent d’exposition réelles mais non retrouvées).

Trop de cancers ne sont ni déclarés ni indemnisés

« 5% à 66% des cas de cancers du poumon et 30% à 48% des cas de mésothéliomes relevant du régime général de Sécurité sociale ne feraient pas l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle ».

Seuls 62% des mésothéliomes validés dans le PNSM entre 1999 et 2011 ont été déclarés en maladie professionnelle.

Seuls 58% des mésothéliomes enregistrés entre 2005 et 2011 ont fait l’objet d’une demande d’indemnisation auprès du Fiva.

Malgré la déclaration obligatoire du mésothéliome, malgré l’existence d’un fonds qui indemnise cette maladie spécifique sans avoir à apporter de preuve d’exposition, des victimes et des familles ne font toujours pas valoir leurs droits, parce qu’elles ne sont pas informées ni aidées.

Le programme ESPri montre que les  hommes artisans retraités ont été exposés beaucoup plus souvent, plus longtemps et plus intensément que la population générale de même âge.  Ils n’ont pourtant pas droit à la reconnaissance en maladie professionnelle dans leur régime de base, ni à la « pré-retraite amiante ».

L’amiante est un problème majeur de santé publique

Ces études confirment que l’amiante est et restera encore longtemps un problème majeur de santé publique.  Elles confirment le bien fondé des demandes de l’Andeva, sur :

- l’information des victimes et des familles sur leurs droits,

- l’élargissement du PNSM à tous les types de mésothéliomes,

- l’inscription des cancers du larynx et de l’ovaire dans le tableau 30 de maladies professionnelles

- le renforcement de la prévention pour éviter de nouvelles victimes, en particulier chez les PME sous-traitantes et les artisans intervenant au contact de l’amiante en place.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°48 (avril 2015)