Les victimes de l’amiante et les personnes exposées ont du souci à se faire. Le vent tourne. Après deux décennies d’avancées  jurisprudentielles et réglementaires, se précise une dangereuse offensive du MEDEF sur le terrain de  l’indemnisation des victimes et de la prévention des risques.

Il y a vingt ans, pour indemniser leurs préjudices, les victimes de l’amiante recevaient fort peu, les victimes environnementales ne recevaient rien. Le raz-de-marée  des actions en faute inexcusable, la création du Fiva et le succès des divers contentieux ont tiré les indemnisations vers le haut.

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Aujourd’hui le niveau des indemnisations des cours d’appel connaît une tendance quasi-générale à la baisse.

Devant les tribunaux des Affaires de la Sécurité sociale et en appel,  les employeurs condamnés ont longtemps invoqué des vices de forme pour rendre le jugement « inopposable » et ne rien payer. Ils tentent aujourd’hui de nouvelles stratégies : en contestant toute maladie professionnelle dès le stade de sa déclaration, en rétribuant des médecins pour porter le débat sur le terrain médical ou en présentant carrément la facture de leur « faute inexcusable » à l’Etat, comme l’ont fait Latty et Eternit, pour tenter d’obtenir un partage des frais à « 50-50 » !

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Une évolution défavorable analogue se fait jour pour la réparation des préjudices des personnes exposées à l’amiante.

Pour l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Acaata), l’inscription de nouveaux établissements sur les listes se fait maintenant au compte-gouttes, au terme de longues batailles judiciaires.
La ministre de la Fonction publique a annoncé l’extension de l’Acaata aux fonctionnaire malades qui en étaient exclus. C’est une avancée  saluée par l’Andeva. Mais l’ouverture d’une voie d’accès individuelle à ce dispositif, maintes fois promise, est aujourd’hui renvoyée aux calendes grecques par le gouvernement.

Pour la reconnaissance du préjudice d’anxiété, des milliers de procédures judiciaires ont été engagées. Dans un premier temps, la Cour de cassation a confirmé l’existence de ce préjudice ; elle a allégé ses conditions de reconnaissance et reconnu la compétence de l’AGS en cas de défaillance de l’employeur. 

Mais elle a donné un coup d’arrêt par deux décisions récentes traduisant sa volonté de limiter la reconnaissance de ce préjudice aux bénéficiaires de l’Acaata et de réduire le nombre de personnes indemnisées par l’AGS.

Un mauvais vent souffle aussi sur la prévention. 

Une partie des professionnels fourbit déjà ses armes pour torpiller l’abaissement de la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) de 100 à 10 fibres d’amiante par litre d’air, prévue au 1er juillet 2015.

Un journaliste de Capital reproche vertement à la France de « s’imposer les règles anti-amiante les plus sévères du monde », ce qui « risque de conduire à la catastrophe » !

Au nom de la « compétitivité » des entreprises le gouvernement a laissé se mettre en marche une redoutable mécanique de « détricotage » des institutions protectrices de la santé des salariés.

Le MEDEF réclame la suppression du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de travail (CHSCT) et sa dilution dans un conseil d’entreprise touche-à-tout où les conditions de travail seront la « 25ème roue du carrosse ». L’inspection et la médecine du travail, démunies et dévitalisées, sont dans le collimateur...

Cette offensive pour « réduire les coûts » de la réparation des préjudices et ceux de la prévention des risques doit être fermement combattue.

Nous n’acceptons pas de voir bradé le prix d’une santé perdue ou d’une vie brisée par l’amiante.

Nous n’acceptons pas que, sous prétexte «  d’alléger les contraintes des entreprises » aujourd’hui, on nous prépare une nouvelle flambée de cancers dans 30 ans.

Alain BOBBIO
Pierre PLUTA


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva en avril 2015