Une défaite pour la santé publique, une victoire à la Pyrrhus pour l’industrie de l’amiante russe.

Le but de la Convention  Rotterdam est non pas d’interdire des produits dangereux mais plus modestement d’imposer une information préalable des utilisateurs sur les risques.

Réunie à Genève en mai dernier sous l’égide des Nations Unies, elle a jugé que cette information n’était pas requise pour un produit qui cause 100 000 morts par an !

Malgré le rappel par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) que toutes les formes d’amiante sont cancérogènes et malgré la position de l’Organisation internationale du travail en de l’interdiction.

Les motivations des pays saboteurs

C’est la sixième fois depuis 2004 que cette inscription est bloquée par une poignée de pays qui utilisent la règle d’unanimité pour opposer un véto. Les motifs des pays saboteurs qui ont contre sont clairs :

- La Russie, premier producteur mondial d’amiante (1 million de tonnes par an) protège les intérêts de deux compagnies minières, Uralasbest et Orenbourg Minerals, dont les ventes baisseraient si les populations étaient averties du danger.

- Le Kazakstan, 3è exportateur mondial et le Kirghizstan se sont alignés sur la Russie.
- Le Zimbabwe, ex-grand producteur d’amiante, dont les mines sont fermées à cause de la gabegie et de la corruption, n’exclut pas de les rouvrir.

Le choix monstrueux de l’Inde

3 pays se sont opposés puis abstenus : l’Inde, le Pakistan et Cuba.

L’Inde, premier importateur mondial a fait le choix monstrueux de protéger les intérêts d’une poignée de marchands très riches en refusant que soit informée sa population, très pauvre. A Genève on a vu ses représentants bras dessus bras dessous avec les industriels indiens ignorer superbement leur compatriote souffrant d’asbestose.

Le Canada est resté silencieux et s’est abstenu en 2015 comme en 2013, alors qu’il s’était opposé à l’inscription par quatre fois (en 2004, 2006, 2008, 2011). Sa dernière mine d’amiante a fermé. Il n’y a plus d’intérêts financiers à défendre...

Les partisans de l’inscription

Les 28 états de l’Union européenne se sont prononcée pour l’inscription.

Les Etats-Unis, présents comme observateurs, ont appuyé l’inscription.

Tous les pays d’Amérique latine ont fait de même, y compris le Brésil, grand producteur, dont la représentante dit : « Le débat a évolué dans notre pays, nous prenons conscience des effets [de l’amiante] et des coûts »

Tous les pays africains sauf le Zimbabwe ont appuyé l’inscription.

L’Ukraine s’est dissocié cette année de la Russie.

La Nouvelle Zélande a appuyé l’inscription, comme l’Australie qui tiré son propre bilan : « Nous avons utilisé 500 000 tonnes de chrysotile... Nous estimons qu’il y aura 25000 décès durant les 30 prochaines années. Nous avons payé un prix élevé et cela coûtera encore des milliards de dollars. »

En conclusion. L’amiante chrysotile, le produit le plus meurtrier de la planète dans le monde du travail - ne sera pas inscrit sur la liste des produits dangereux, alors que sur le plan scientifique, son extrême dangerosité ne fait aucun doute.

Le sabotage de la conférence est surtout le fait de deux pays : la Russie, premier producteur mondial d’amiante, et l’Inde premier importateur.

L’écrasante majorité des pays se sont prononcés pour promouvoir et recevoir une information sur les dangers du chrysotile. L’échec est flagrant.

Il ne leur reste plus - s’ils veulent surmonter ce blocage réitéré - qu’à édicter une interdiction nationale de ces deux produits.

Les pays saboteurs s’imaginent avoir préservé les intérêts de leurs marchands d’amiante. Ils pourraient bien avoir remporté une victoire à la Pyrrhus en motivant les pays à prendre des décisions d’interdiction, accélérant ainsi le déclin de cette industrie mortifère.


 


Genève, Roca a fait entendre la voix des victimes et des indignés du monde entier

Des organisations non gouvernementales étaient à cette conférence : Women in Europe for a Common Future (WECF) et d’autres associations, rassemblées sous le nom de ROCA (Alliance pour la Convention de Rotterdam), à laquelle l’Andeva a adhéré. Alexandra Caterbrow, Sanjiv Pandita et Yeyong Choi ont parlé au nom de ROCA.

L’intervention de Sharad Vittnal Sawant, qui a travaillé 40 ans dans une usine Hindustan Ferodo utilisant l’amiante chrysotile, fut un moment fort.

Le souffle court, parlant avec difficulté, il a délivré un témoignage simple et émouvant :

« Je souffre d’asbestose, tout comme ma femme. Plus de 400 de mes collègues ont aussi reçu un diagnostic de maladies de l’amiante. Je suis venu pour vous demander d’inscrire l’amiante chrysotile sur la liste PIC de la Convention de Rotterdam. »

Ces paroles simples ont déclenché les applaudissements d’une centaine de délégués, devant la rangée médusée des industriels indiens, russes, vietnamiens, brésiliens, zimbabwéens et des lobbyistes canadiens.

Roca avait un stand avec un panneau sur lequel étaient disposés des emballages de sacs d’amiante et des photos de victimes de divers pays.

Un rassemblement a eu lieu sur la place des Nations, près du centre de conférences.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°59 (septembre 2015)