Mais le ministère laisse pour le moment inchangés les anciens niveaux d’empoussièrement réglementaires.

Au 1er juillet la valeur limite d’exposition professionnelle est passée de 100 fibres à 10 fibres d’amiante par litre d’ai sur 8 heures mesurées en microscopie électronique (META).

La mise en oeuvre de cette mesure prévue par le décret du 4 mai 2012, est tardive.

C’est néanmoins une incontestable avancée.

Mais, en n’abaissant pas les anciens niveaux d’empoussièrement réglementairesqui guident le choix des protections respiratoires, la mesure reste à ce jour bancale et incomplète.

La VLEP

La valeur limite d’exposition professionnelle est la concentration maximale en fibres d’amiante dans l’air inhalé par un travailleur, au-delà de laquelle le travail doit s’arrêter et des mesures d’urgence doivent être prises.

En situation de travail courante, le respect de cette valeur limite n’est pas validé par une mesure à l’intérieur du masque. Il est déduit du niveau d’empoussièrement
mesuré dans la zone de travail (à l’extérieur du masque) et du niveau d’efficacité supposé de la protection respiratoire.

L’évaluation de l’empoussièrement

Le décret du 4 mai 2012 précise qu’avant d’engager des travaux, l’employeur doit évaluer l’empoussièrement attendu dans la zone de travail et choisir des protections adéquates.

Avant le 1er juillet 2015, la réglementation fixait trois niveaux d’empoussièrement par référence à la valeur limite d’exposition professionnelle (qui était alors de 100 fibres d’amiante par litre d’air) :

- niveau 1 : inférieur à la VLEP (moins de 100 fibres),

- niveau 2 : de la VLEP jusqu’à 60 fois la VLEP (entre 100 et 6000 fibres),

- niveau 3 : de 60 fois jusqu’à 250 fois la VLEP (de 6000 et 25 000 fibres).

En fonction du niveau d’empoussièrement attendu, il incombe à l’employeur de choisir une protection adaptée (masque filtrant à ventilation libre, masque à ventilation assistée ou masque à adduction d’air par exemple)

Si la limite supérieure du niveau 3 [25 000 fibres] est dépassée, « l’employeur suspend les opérations et alerte le donneur d’ordre, l’inspecteur du travail et l’agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale. Il met en oeuvre des moyens visant à réduire le niveau d’empoussièrement.  » (Code du Travail, article R. 4412-115)

Depuis le 1er juillet 2015 la VLEP a été abaissée d’un facteur 10, passant de 100 à 10 fibres par litre..

Mais le ministère laisse pour le moment inchangés les anciens seuils d’empoussièrement (100, 6000 et 25000 fibres), en supprimantde l’arrêté toute référence à la valeur limite d’exposition.

Il présente ce maintien comme mesure transitoire dans l’attente des résultats d’une étude de l’INRS visant à « réévaluer les facteurs de protection des appareils de protection respiratoire  » dont les résultats « ne seront disponibles qu’à la fin de l’année ».

Un retard évitable

Ce contretemps aurait pu être évité, si le ministère s’y était pris plus tôt.

Les préconisations de l’Agence de Sécurité sanitaire datent de février 2009, le décret abaissant la VLEP date du 4 mai 2012. Les pouvoirs publics avaient donc 3 ans + 3 ans pour se préparer cette échéance...

Une dangereuse incohérence

Le maintien des anciens niveaux d’empoussièrement aboutit à une dangereuse incohérence réglementaire  : d’un côté l’Etat rassure les employeurs en leur disant que les trois niveaux n’ont pas changé ; de l’autre, il les invite à respecter la nouvelle valeur limite d’exposition.

Mais comment feront-ils concrètement pour concilier les deux ?

Un exemple : pour un empoussièrement de niveau 2 (jusqu’à 60 fois l’ancienne valeur limite de 100 fibres), il est permis de choisir un masque TMP3.

Problème : La notice fournisseur de ce masque donne un facteur de protection de 60 qui ne permet pas de respecter la nouvelle VLEP de 10 fibres !

Question : si un employeur choisit ce modèle ne risque-t-il pas d’engager sa responsabilité pénale ?

La réévaluation de l’efficacité des masques est une nécessité. Elle ne saurait être un alibi. Dans l’attente des résultats de l’INRS, le ministère aurait dû adopter une règle de prudence : abaisser les trois niveaux d’empoussièrement en fonction des facteurs de protection connus, quitte à les revoir ultérieurement.

Faire respecter la valeur limite des 10 fibres

Une baisse de la VLEP doit nécessairement s’accompagner d’une baisse des niveaux d’empoussièrement.

Elle peut améliorer la protection des travailleurs etdiminuer le nombre des victimes, à condition de prendre des mesures
 que la limite des 10 fibres soit respectée.

Il faut pour cela :

- élaborer des référentiels permettant d’améliorer les modes opératoires et de réduire les expositions,

- améliorer la qualité des repérages,

- améliorer la fiabilité des mesures d’empoussièrement par les organismes agréés et réduire les délais de retour des résultats,

- renforcer les formations,

- durcir les sanctions contre les contrevenants… 

C’est en intervenant sur tous ces fronts que l’on pourra garantir le respect des 10 fibres d’amiante par litre d’air.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°59 (septembre 2015)