Le 20 août dernier, une délégation de l’Andeva a rencontré Thomas Fatome, le directeur de la Sécurité sociale et Clotilde Ory-Durand, responsable des accidents du travail et des maladies professionnelles à la DSS. L’un des sujets abordés était le suivi médical post-professionnel des personnes exposées à l’amiante et à d’autres cancérogènes.

L’Andeva a souligné qu’aujourd’hui - 20 ans après l’instauration du suivi médical post-professionnel - le scanner est devenu l’examen de référence, mais le nombre d’examens reste dérisoire   : une trentaine dans la Manche en 2014, 24 en Seine-Saint-Denis...

Cette situation s’explique par deux raisons essentielles : l’absence d’information des intéressés et la réticence des employeurs à délivrer des attestations d’exposition.

Relancer le suivi et réactualiser le protocole

Une relance volontariste est donc nécessaire pour que le droit au suivi ne reste pas lettre morte.

En 2010, la Haute autorité de santé avait notamment recommandé une visite médicale de fin de carrière et l’envoi d’un questionnaire d’exposition à tous les néo-retraités

Cinq ans après, il est nécessaire de tirer le bilan de la mise en oeuvre des recommandations de la HAS et remettre à jour le protocole de suivi en tenant compte à la fois de l’expérience et de l’évolution des connaissances scientifiques.

A la lumière de plusieurs études récentes un certain nombre de questions doivent être remises à plat, notamment  :
- le bénéfice médical du suivi pour le repérage des cancers bronchopulmonaires,
- la périodicité des examens,
- le suivi médical des porteurs de plaques pleurales,
- la place des explorations fonctionnelles respiratoires...

L’envoi des questionnaires par les CARSAT

La Direction de la Sécurité sociale a donné les informations suivantes :

Une action est en cours en direction des 80 000 bénéficiaires de l’Acaata (présents et passés) qui sont encore de ce monde. Certains sont encore dans le dispositif, d’autres sont aujourd’hui retraités.

Les caisses régionales (Carsat en province, Cramif en Ile-de-France) envoient à chacun d’eux un questionnaire d’exposition à l’amiante à retourner et une lettre d’information lui expliquant qu’il peut bénéficier d’un suivi médical gratuit si son exposition à l’amiante est considérée comme « forte » ou « intermédiaire ».

Le protocole prévoit un examen clinique et un scanner tous les 5 ans pour les expositions considérées comme « fortes », tous les 10 ans pour les expositions « intermédiaires » (aucun suivi n’est prévu pour les expositions « faibles »).

Trois vagues d’envois (par ordre alphabétique) étaient prévues. La première a déjà eu lieu, la seconde aura lieu à la rentrée, la troisième vers la fin de l’année.

Un premier bilan

Un premier bilan à fin juillet donne les résultats suivants :

- 25 000 envois réalisés (lettre et questionnaire),

- 7300 questionnaires retournés par les destinataires (environ 30%),

- 350 demandes de suivi médical adressées aux caisses (1,4% des envois !).

(la proportion d’expositions jugées « faibles » par les caisses n’a pas été communiquée).

Les envois ne sont pas terminés, mais la faiblesse du nombre de demandes pose à l’évidence un problème sérieux.

Pourquoi si peu de demandes ?

Il y a parmi les destinataires non seulement des personnes exposées mais aussi des malades qui ont déjà un suivi médical et n’ont pas répondu.

Cela dit, le très faible nombre de demandes de suivi médical renvoie surtout à la façon dont à été organisée cette initiative :

- Il n’y a pas eu de concertation initiale avec les associations de victimes.

- Il n’y a pas eu de travail d’information et d’organisation associant dans chaque région les acteurs de terrain.

- Enfin le questionnaire a suscité beaucoup d’incompréhension et de méfiance chez les destinataires : « Pourquoi me demandent-ils encore si j’ai été exposé à l’amiante ? Si je suis en cessation anticipée, c’est bien parce que j’ai été exposé et que je risque de ne pas profiter de ma retraite  ! »

Un questionnaire peut être un outil pertinent s’il s’adresse à un public hétérogène où coexistent des personnes exposées et non exposées, comme dans le programme ESPrI pour les artisans.

Mais la méthode est discutable pour des salariés que la loi autorise à cesser de travailler plus tôt parce que leur vie risque de s’arrêter plus tôt.

Les propositions de l’Andeva

L’Andeva a fait des propositions concrètes pour redresser la barre :

- mettre en place, à l’initiative des caisses de Sécurité sociale, des structures régionales chargées d’organiser ce suivi médical avec la participation de tous les acteurs (associations, syndicats, mutuelles, médecins...).

- utiliser les medias pour diffuser l’information sur le droit au suivi médical post-professionnel ;

- mettre en place dans les caisses un accueil téléphonique, assuré par des personnes compétentes et formées, pour répondre à toute demande de renseignement complémentaire par les destinataires ;

- étendre rapidement l’information sur leurs droits aux autres salariés, à commencer par les travailleurs du bâtiment chez qui les cancers de l’amiante sont nombreux.

Elle souhaite que la direction de la Sécurité sociale demande à la Hauteautorité de Santé de tirer un bilan des recommandations de 2010 et d’organiser leur remise à jour.

Elle demande enfin que la CNAM publie des statistiques, nationales et régionales, fiables et complètes, avec tous les indicateurs permettant un véritable suivi de l’efficacité du dispositif  : nombre d’envois, de réponses et de demandes de suivi médical, mais aussi nombre d’examens passés, de maladies repérées, déclarées, et indemnisées...


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°49 (septembre 2015)