La réunion qui a eu lieu le 11 juin à l’hôpital Calmette de Lille avait pour but de croiser les regards du monde médical sur le cancer avec le vécu des victimes de l’amiante et de leurs familles.

Elle était organisée conjointement par l’Ardeva du Nord- Pas-de-Calais, le service de pneumologie et oncologie thoracique et le réseau expert sur le mésothéliome Mesoclin et soutenue par la Société pour l’enseignement et la recherche en pneumologie et allergologie.

3 thèmes avaient été retenus : l’annonce, les essais cliniques et les soins de support.

Tous les participants, qu’ils soient victimes ou soignants, ont ressenti cette réunion comme une formidable occasion de s’informer et d’échanger sur des questions importantes trop rarement débattues.

La salle était surtout composée de victimes et de familles du Nord et du Pas-de-Calais. Mais des représentants d’associations des Ardennes, de Loire Atlantique, de Seine-Saint-Denis, de la région Centre et de l’Andeva étaient aussi présents.

L’idée d’organiser des réunions analogues dans d’autres régions fait son chemin.


Comment annoncer un cancer ?

L’annonce d’un cancer est toujours très dure à encaisser. Aujourd’hui, les pratiques médicales évoluent. Trois infirmières ayant 23 ans, 17 ans et 16 ans d’ancienneté dans le service ont décrit comment se passe la consultation d’annonce créée en 2012, conformément au Plan cancer.

La maladie est annoncée par le médecin au malade entouré de ses proches. L’annonce se fait dans une pièce dédiée, située dans un endroit calme et apaisant. Le médecin explique le protocole de soins ainsi que les effets secondaires les plus fréquents. Cet entretien dure une demi-heure.

Les infirmières ont suivi une formation avec une psychosociologue de Bordeaux. Leur rôle est très important. Elles accompagnent le patient et ses proches. L’infirmière s’assure de la bonne compréhension du patient, répond à ses questions et évalue les besoins concernant les aspects psychologiques, sociaux, diététiques et de prise en charge de la douleur. Elle donne des précisions sur les traitements à venir et répond aux questions. Il s’agit d’un accompagnement global du malade et de ses proches dont le soutien est essentiel. Les échanges avec les infirmières fonctionnent un peu comme un « sas de décompression  » pour le malade après le choc de l’annonce.

Il y a environ 45 consultations par trimestre. Un poste d’infirmière coordinatrice a été créé pour les pathologies pulmonaires. Elle est déchargée des soins. Sa mission est de suivre le bon déroulement du traitement en lien étroit avec le patient et sa famille.

Dans la salle, une veuve décrit son vécu d’épouse confrontée au corps médical  : « A l’époque, on ne me donnait aucune information, j’avais le sentiment de ne pas être écoutée. »

Une autre déplore la brutalité inqualifiable d’un médecin qui lui avait répondu : « Vous voyez bien qu’il est foutu... », lorsqu’elle l’avait interrogé sur l’état de son mari...

Une autre témoigne : « Mon mari était en soins intensifs. On ne m’autorisait pas à le voir plus de deux heures par jour, alors que j’aurais voulu être toujours à ses côtés. »

Les pratiques évoluent. En soins intensifs aujourd’hui un malade peut recevoir des visites 24 heures sur 24. S’il décède, la famille est informée qu’un psychologue est à sa disposition si elle en exprime le besoin.


Quelle éthique pour les essais cliniques ?

Eric Wasielewski, du réseau Mesoclin, explique qu’avant la mise sur le marché de nouvelle molécules, des études médicales doivent en vérifier l’efficacité et la tolérance chez l’être humain. Un essai clinique obéit à des règles éthiques strictes : il ne doit être fait qu’avec l’accord du malade préalablement informé de son déroulement et des effets secondaires possibles. Il signe un formulaire de consentement et sait qu’il peut demander à l’arrêter à tout moment.

Les patients qui participent à un essai clinique peuvent-ils se rencontrer pour échanger leurs expériences ? A cette question le professeur Scherpereel répond que cette possibilité existe si des patients en font la demande, mais qu’elle ne peut être imposée par les médecins.

Pourquoi des soins de support ?

Le docteur Xavier Dhalluin présente les soins de support destinés à mieux tolérer la maladie et les conséquences des traitements.

Un cancer du poumon métastasé peut provoquer des douleurs, de la fatigue, une perte d’appétit, de l’anxiété, une dépression voire un véritable traumatisme. Les « accompagnants » (la famille, les proches) ignorent souvent à qui s’adresser pour avoir une aide.

Les soins de support visent à assurer une prise en charge globale du patient et de sa famille pour améliorer leur qualité de vie. Cela recouvre un éventail très large de problèmes physiques , psychologiques et sociaux.

Il est important que la douleur du patient soit contrôlée et qu’il soit accompagné le plus dignement possible dans sa fin de vie. A Lille, ces soins sont assurés par une équipe mobile de soins palliatifs. Le critère déterminant est la qualité de vie du malade : le soulager, diminuer son stress et celui de sa famille, en évitant l’acharnement thérapeutique.

L’équipe des soins palliatifs est une sorte de « maillon » entre le malade et sa famille. Elle joue un rôle très important à ce moment crucial de la fin de vie.

Une étude est en cours sur les soins palliatifs. Les premiers résultats incitent à penser que l’amélioration de la qualité de vie améliore l’espérance de vie.

Il faut en finir avec certaines idées reçues. Un séjour de courte durée en soins palliatifs peut permettre d’ajuster la gestion de la douleur et de soulager des accompagnants. Il y a davantage de décès dans le service de pneumologie que dans le service de soins palliatifs.

Cette approche globale, qui dépasse le cloisonnement entre diverses spécialités médicales, constitue une véritable révolution culturelle par rapport aux pratiques passées du corps médical. Elle commence à être intégrée dans le cursus des études médicales. Une génération de jeunes médecins ; porteurs de cette approche, arrive dans les services hospitaliers.

Mais un service de soins palliatifs peut, comme d’autres, se heurter au manque de moyens, avec des conséquences parfois tragiques : un responsable de l’Ardeva explique comment une femme atteinte d’un mésothéliome a été renvoyée contre sa volonté à son domicile, alors que son espérance de vie se comptait en semaines. Son mari n’a pas supporté de la voir souffrir et, dans un geste de désespoir, l’a tuée.

Quels traitements ?

Le traitement de référence pour le mésothéliome est la chimiothérapie. La chirurgie est possible, si certaines conditions sont remplies.

Une femme explique comment elle a été opérée, sur sa demande insistante, en septembre 2013. Son courage et sa détermination à peser sur les choix thérapeutiques concernant sa maladie impressionnent.

En fin de journée, le professeur Scherperel apporte une note d’espoir en faisant le point sur les traitements.

Un essai sur un protocole qui associe un traitement classique (Cisplatine, Permetred) et le Bevacizumab (Avastin) a allongé de plusieurs mois la survie moyenne des patients. Il s’agit d’une molécule qui s’attaque aux vaisseaux sanguins qui nourrissent la tumeur. Un grand nombre de centres hospitaliers de divers pays ont participé à cet essai.

Les traitements par photothérapie et par immunothérapie suscitent également des espoirs.

LE P.O.T.

Le service de Pneumologie et Oncologie Thoracique de l’hôpital Calmette comprend 14 lits et 4 fauteuils pour traiter tout type de cancer thoracique.

Il reçoit environ 12 nouveaux patients par mois. 200 personnes sont actuellement suivies par ce service. Il est centre expert national pour le réseau Mesoclin (réseau expert sur le mésothéliome).

LE RESEAU MESOCLIN

Il a vocation d’améliorer la prise en charge du mésothéliome par les médecins et l’information des patients sur tout le territoire. Il relie une quinzaine de centres experts régionaux. L’hôpital Calmette de Lille en assure la coordination avec l’hôpital Georges Pompidou et l’Institut Gustave Roussy. L’Andeva a apporté son soutien actif à la création de ce réseau qui a obtenu un financement de l’INCa, l’Institut national du Cancer.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva N°49 (septembre 2015)