Incroyable mais vrai : le premier cluster de cas de covid-19 dans le Val-de-Marne est apparu où on ne l’attendait pas : sur le chantier de désamiantage du lycée Georges Brassens de Villeneuve-Le-Roy. Chez des travailleurs formés ayant des équipements de protection d’un niveau très supérieur à ceux utilisés pour le  covid-19.
Comment expliquer ce paradoxe et que faire pour se protéger ?

Un maximum de précautions pour une activité à haut risque

Lors d’un désamiantage, la zone de travail est confinée et mise en dépression pour éviter que les fibres d’amiante ne sortent. L’air y est renouvelé de 6 à 10 volumes/heure et filtré à l’aide de filtres absolus.

Les opérateurs ont été formés à l’utilisation de protections respiratoires et à la décontamination de leurs équipements.

Ils sont équipés d’un masque de protection respiratoire adapté, d’une combinaison jetable avec capuche, de gants en latex, de bottes décontaminables. Les jonctions entre ces éléments sont maintenues par un adhésif.

Ils doivent changer de vêtements et franchir cinq sas pour entrer en zone polluée. A la sortie, ils suivent une procédure précise pour assurer une décontamination vestimentaire puis corporelle. A la sortie du dernier compartiment Les vêtements de travail sont traités comme des déchets amiantés.

Le mode opératoire doit être minutieusement décrit dans un plan de retrait envoyé à l’inspecteur du travail, à la caisse régionale de sécurité sociale et au médecin du travail un mois avant le début des travaux.

Onze ouvriers testés positifs au virus

Alors, comment expliquer que sur le chantier de désamiantage du lycée Georges Brassens assuré par la société Wig France neuf ouvriers aient été testés positifs au coronavirus ? 

Selon le Parisien, «  c’est le premier foyer de contamination recensé dans le département depuis le début du déconfinement. »

La région et la mairie indiquent qu’elles ont été prévenues par  l’Agence régionale de Santé (ARS) le mercredi 20 mai. Une recherche des cas contact serait en cours.

L’article indique que le lendemain, jeudi de l’ascension, « des ouvriers de Wig France poursuivaient les travaux malgré tout, et sous un soleil de plomb.

Aucun n’a souhaité s’exprimer sur le sujet mais tous semblaient bien au courant de l’épidémie qui touche leurs collègues. Le siège de Wig France n’a pu être joint ce jeudi. »

Une enquête est nécessaire

Il serait important que les acteurs de prévention et de santé du département et de la région (caisse régionale d’assurance maladie, inspection du travail, ARS) diligentent une enquête pour comprendre ce qui s’est passé et qu’ils en tirent des leçons pour la prévention des risques infectieux pour tous les chantiers de désamiantage. à la lecture de l’article du Parisien on peut s’interroger.

Des questions incontournables

Aux risques spécifiques du chantier, une pandémie de covid-19 ajoute un risque nouveau menaçant la vie des opérateurs.

  • Un avenant Covid-19 au plan de retrait a-t-il été rédigé ?
  • Un référent Covid-19 a-t-il été nommé sur ce chantier, comme le recommande l’Office professionnel de prévention du BTP ?

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Les ouvriers de Wig France travaillaient un jour férié, le lendemain de l’annonce du cluster par l’Agence régionale de santé.

  • Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’arrêt de chantier ?
  • Ces ouvriers avaient-ils passé des tests de dépistage du virus ? Avaient-ils été mis en quatorzaine ?

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Sur un chantier de désamiantage les vacations en zone sont limitées à 2 heures 30.

Dans l’intervalle les ouvriers se retrouvent à la base de vie (zone de repos), débarrassés de leurs équipements de protection anti-amiante. Ils sont souvent en déplacement et ne dorment pas chez eux.

  • Quelles mesures ont été prises pour qu’ils soient protégés sur leurs lieux de pause et de repas ?
  • Où étaient-ils hébergés quand les hôtels étaient fermés ?
  • La base de vie a-t-elle été reconfigurée pour suivre les règles de diatanciation physique ?
  • Les vestiaires et l’accès à la base de vie étaient-ils décontaminés ? Comment ? à quelle fréquence ?

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Durant les travaux, les élèves et le personnel ont été réinstallés dans des algécos provisoires à quelques centaines de mètres du chantier.

  • Quelles garanties qu’il n’y ait aucune interférence entre l’activité scolaire et les travaux ?
  • Les représentants du personnel du lycée ne devraient-ils pas participer à des réunions de suivi du chantier ?

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Ces questions sont incontournables. Les autorités sanitaires, les organismes de contrôle et l’administration scolaire devraient enquêter et y apporter des réponses sérieuses, car les mêmes problèmes peuvent se poser sur d’autres chantiers.

 


Une brochure de l’INRS

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a publié un opuscule répondant aux questions les plus souvent posées concernant des interventions au contact de l’amiante dans la période d’état d’urgence sanitaire dû au covid-19. Par exemple :

- Quelle protection respiratoire en dehors de la zone confinée ?

- Quelles installation de décontamination ?

- Quelle formation à la prévention du risque infectieux ?

L’INRS insiste sur la nécessité de recueillir l’avis du médecin du travail.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°63 (juin 2020)