Une question à Jean-Paul Teissonnière
Les arrêts du 28 février 2002 de la Cour de cassation imposent à l’employeur une « obligation de sécurité de résultat ». Une révolution dans la jurisprudence. L’arrêt Air France du 25 novembre 2015 dit que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.121-1 et L.4121-2 du code du travail ». Est-ce un recul majeur, une porte ouverte au laxisme ?
Jean-Paul TEISSONNIERE : L’arrêt Air France marque la fin d’un cycle : la promotion de l’obligation de sécurité de résultat par les arrêts « amiante » en 2002 constituait une interpellation à l’égard du législateur :
Il lui appartenait de revoir l’édifice archaïque de la Loi du 9 avril 1898 pour faire accéder enfin les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles au bénéfice de la réparation intégrale de leurs préjudices que la jurisprudence audacieuse des arrêts Amiante avait anticipée.
L’évolution attendue n’a pas eu lieu ou si peu...
Avec l’arrêt Air France la Cour de cassation change de logiciel.
Exit le résultat comme critère d’examen de l’obligation de sécurité.
Celle ci d’ailleurs n’a plus pour fondement le contrat de travail mais bien le code du travail et son article L4121‑1, lequel est flanqué d’un article L4121-2 qui énumère les principes généraux de prévention dont la Cour de Cassation fait une lecture novatrice et exigeante...
L’arrêt du 11 septembre 2019 concernant 750 mineurs de Lorraine demandant la reconnaissance de leur préjudice d’anxiété en est un remarquable exemple...
Au terme d’une spectaculaire évolution théorique force est de constater que l’obligation de sécurité renforcée de 2020 ressemble étrangement à quelques nuances près à l’obligation de sécurité de résultat de 2002.
Entre temps , du préjudice d’anxiété jusqu’au harcèlement moral et au contentieux préventif jCOVID-19 son territoire n’aura pas cessé de s’étendre...
Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°63 (juin 2020)