La dernière dérogation à l’interdiction de l’amiante en Europe sera-t-elle prolongée jusqu’en 2025 ?

La fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation de l’amiante sont interdites dans les 28 état de la communauté européenne depuis le 1er janvier 2005. Reste une dérogation concernant l’importation de fibres d’amiante chrysotile pour la fabrication de diaphragmes destinés à l’électrolyse du chlore.

La dérogation permet à une usine de chlore en Allemagne et une usine d’hydrogène en Suède de continuer à fonctionner « jusqu’à ce qu’elles atteignent la fin de leur vie utile ou que, auparavant, des substituts appropriés sans amiante apparaissent sur le marché ». S’y ajoute aujourd’hui une usine en Pologne.
Dix ans plus tard, sous la pression de la multinationale américaine Dow Chemicals (qui a racheté l’ancien géant de l’amiante, Union Carbide, responsable de la catastrophe sanitaire de Bhopal en Inde, en 1984), la Commission européenne et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) envisagent de prolonger cette dérogation (introduite à l’annexe XVII de REACH) jusqu’en 2025, voire au-delà. Elle pourrait même être étendue à d’autres produits.
Si ces propositions étaient adoptées, l’importation de plusieurs tonnes d’amiante par an pourrait être légalisée en Europe.
Une consultation publique est en cours, avec appel à commentaires de toutes les parties intéressées. La décision devrait être prise à l’automne.

 


L’Andeva à la commission européenne
« La situation actuelle n’est pas conforme au droit communautaire »

Pierre Pluta, a écrit le 31 mars à Antonio Tajani, vice-président de la Commission européenne, pour dénoncer les graves problèmes posés par ces dérogations.
Il constate que « la situation actuelle n’est pas conforme au droit communautaire  » et dénonce les pratiques de Dow Chemical qui «  importe directement des fibres de chrysotile pour la maintenance des cellules d’électrolyse ».
Répondant à ceux qui justifient l’extension de cette dérogation par la maîtrise des risques en Europe, il rappelle que «  les fibres d’amiante importées en Europe sont produites dans des Etats tiers, elles font l’objet de différentes opérations de traitement et de transport jusqu’à leur arrivée dans les entreprises utilisatrices en Europe » avec, à toutes les étapes, des risques pour la santé humaine.
La production peut se faire « dans des conditions technologiques qui permettent d’éviter toute utilisation de fibres d’amiante ». Il est donc injustifié de prolonger cette méthode de fabrication.
Les associations de plusieurs pays ont protesté auprès de la Commission européenne en soulignent la contradiction entre cette dérogation et la position de l’UE pour une interdiction mondiale de l’amiante.

 


Important arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme

Le 24 juillet, la Cour européenne a condamné Malte pour ne pas avoir protégé des ouvriers des chantiers navals exposés à l’amiante, des années 50 au début des années 2000.

Une violation du droit à la vie

La cour a conclu, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 2 (droit à la vie), de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme par l’Etat maltais.

Le gouvernement maltais
a manqué à ses obligations

Vu la gravité des risques liés à l’amiante et même si les États ont une marge d’appréciation sur la gestion de tels risques, la Cour estime que « le gouvernement maltais a manqué aux obligations positives que lui impose la Convention européenne, en ce qu’il n’a pas légiféré ni pris de mesures pratiques pour faire en sorte que les requérants soient suffisamment protégés et informés du risque auquel étaient exposées leur santé et leur vie. »

Les Etats doivent protéger
la santé et l’environnement

La Cour estime que « depuis le début des années 1970 au plus tard, le gouvernement maltais savait ou aurait dû savoir que la santé des ouvriers du chantier naval était mise en danger par l’exposition à l’amiante  » et observe qu’il « n’a pas pris de mesures positives pour parer à ce risque avant 2003. »
Cet arrêt est une victoire pour les requérants maltais. Il pourrait avoir d’importantes conséquences pour tous les états européens, dont il confirme les responsabilités en matière de protection sanitaire et environnementale.
Cette décision n’a pas d’effet judiciaire direct sur les pays ne faisant pas partie de la communauté européenne. Mais elle devrait être méditée par les pays qui utilisent ou produisent massivement l’amiante (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Russie, Kazakhstan) et par le Canada qui a cessé toute production et exportation, mais qui porte une responsabilité historique écrasante dans l’épidémie mondiale de cancers liés à l’amiante.

 


BRESIL :
Fernanda Giannasi est décorée de l’ordre du mérite de la justice du Travail

Le 11 août, jour de la justice au Brésil, Fernanda Giannasi, escortée par la garde du président de la République, a été décorée de l’ordre du mérite de la justice du Travail. Cette décoration, créée en 1970, est décernée à des institutions ou personnes qui se sont illustrées au service de la collectivité et ont contribué au développement du Brésil.

Très émue, Fernanda Ginnasi a déclaré :
«  C’est un grand honneur de recevoir cette décoration, c’est la reconnaissance d’une lutte qui n’est pas que la mienne, mais celle de toutes les victimes de l’amiante et de leurs familles. Cela montre aussi la préoccupation de la Justice brésilienne autour de l’exploitation de cette fibre de la mort, considérée comme la catastrophe sanitaire du siècle ».
Une décoration qui récompense une vie de travail et de lutte pour l’interdiction de l’amiante, la prise en compte du risque amiante et l’indemnisation des victimes.
Ingénieur de formation, Fernanda a travaillé pendant toutes ces années comme inspecteur du travail, sous l’égide du ministère du travail, dans l’état de São Paulo.
Elle est aussi fondatrice de l’ABREA, l’association brésilienne des exposés à l’amiante, qui a commencé à Osasco, siège de l’ancienne usine d’Eternit, fermée dans les années 90, mais qui a depuis essaimé à travers tout le pays.
Cette vie militante n’a pas toujours été paisible et Fernanda a même reçu des menaces de mort, vécu quelques temps sous protection policière et subi des attaques, diffamations, que la justice a d’ailleurs condamnées.
L’ANDEVA adresse ses félicitations amicales et chaleureuse à Fernanda Giannasi.

 


Bientôt sept états ?

L’état de Santa Catarina sera-t-il le septième état du Brésil à interdire l’amiante ?
L’assemblée des élus municipaux de la ville de Xanxerê a voté une motion appuyant un projet de loi qui propose l’interdiction de l’amiante.
Ce projet est en discussion auprès de l’assemblée législative de l’état de Santa Catarina.
Cet état du sud, voisin de l’état de Rio Grande do Sul, qui a interdit l’amiante, et de l’état du Paraná, état qui possède trois usines d’amiante-ciment dont la plus grande usine Eternit mais où un fort mouvement en faveur de l’interdiction existe : la municipalité de Curitiba, la plus grande ville de l’état, s’est prononcée en faveur de l’interdiction.
L’amiante est déjà interdit dans six états brésiliens : São Paulo, Rio de Janeiro, Rio Grande do Sul, Pernambuco, Mato Grosso et, récemment, Minas Gerais.

 


ÉTATS UNIS :
100 millions de dollars pour 11 victimes

Venu à Casale, Barry Castleman, expert des victimes au procès de Turin, a apporté de bonnes nouvelles des États- Unis.
Début juillet, une juge du New Jersey a condamné deux sociétés de Schmidheiny (Anova AG et Becon AG), en tant que successeurs du groupe Eternit.
Elles devront verser 100 millions de dollars d’indemnités aux familles de onze ouvriers de Johns Manville décédés d’un cancer lié à l’amiante. L’entreprise avait utilisé de l’amiante jusque dans les années 1980.
Le tribunal a reconnu la culpabilité des deux sociétés en raison de l’absence totale d’information sur les risques, notamment par étiquetage (aux USA existe une responsabilité directe pour les produits mis en vente).
Les responsables des deux sociétés, absents au procès, ont été condamnés par contumace, ce qui, selon la loi américaine, leur interdit de faire appel au civil. Le jugement est définitif.
L’amiante utilisé par Johns Manville pour produire des tuyaux de crocidolite venait des mines d’Eternit.

 


INDE
La révolte des démunis

En Inde vivent aujourd’hui 1,2 milliard d’êtres humains. La consommation d’amiante y a explosé (500 000 T).
On l’importe du Brésil, de Russie et du Kazakhstan. L’extraction minière, a été interdite en 1993, mais se poursuit dans des mines semi-illégales dont la production pourrait atteindre près de 20 000 tonnes.
Le commerce est florissant. Une entreprise d’amiante-ciment a annoncé la vente de 100 000 tonnes de toitures ondulées en mai 2014 !
Ces marchands de mort cyniques font la publicité pour ces matériaux en les qualifiant de « bénéfiques pour l’environnement » (sic).
Dans un village de l’état de Bihar, les habitants se sont opposés à l’installation d’une usine d’amiante-ciment, le jugeant dangereuse pour la santé de leurs enfants.
La délivrance du permis de construire les a révoltés. L’usine à demi-construite a été détruite.
L’entreprise a porté plainte pour vandalisme. Le procès est en cours.

 

CANADA
La mine Jeffrey est définitivement fermée

L’annonce de l’arrêt de la dernière mine d’amiante au Canada date d’octobre 2012, quand le nouveau gouvernement québecois de Pauline Marois a décidé d’annuler le « prêt » de 58 millions de dollars destiné à relancer les activités mortelles de la mine et remplir les poches de ses actionnaires.
C’était une décision courageuse, car le commerce de l’amiante, exclusivement destiné à l’exportation vers les pays en développement, avait jusqu’alors toujours réussi à garder un soutien officiel au Canada. Elle a achevé l’entreprise déjà en faillite depuis de nombreuses années.
Cependant le décret d’application de cette décision n’avait pas été publié, ce qui laissait un certain flou juridique. Jacques Daoust, le ministre de l’économie du nouveau gouvernement (Pauline Marois a perdu les élections de cette année) a dénoncé ce qu’il appelle une négligence.
Il faut noter qu’en 2012, le parti libéral de M. Daoust soutenait encore l’industrie mensongère et meurtrière de l’amiante et était prêt à donner encore des subventions à Mine Jeffrey ; en 2014 le parti libéral est devenu plus sage et son ministre de l’économie a même déclaré « On ne peut pas s’imaginer que demain matin le gouvernement va faire repartir une mine d’amiante » (La Presse, 18 août 2014).
Pour confirmer encore la fermeture définitive, une bonne partie du matériel réutilisable de Mine Jeffrey a été vendu aux enchères.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)