Un exemple pour la, justice française

A Rome, avant la fin de l’année, la cour de cassation aura statué sur le premier procès Eternit et le procureur Guariniello a déjà clos l’instruction d’un procès Eternit bis. D’autres instructions visant les dirigeants d’Eternit et ceux d’autres industries pour de nouveaux procès au pénal sont en cours.
A Paris les procédures civiles sont nombreuses, mais l’année 2014 s’achèvera sans qu’ait encore eu lieu la première audience du premier procès pénal en première instance, alors que les premières plaintes ont été déposées il y a dix-huit ans.
A Turin, les magistrats d’un parquet indépendant du pouvoir politique font avancer la justice, à grands pas.
A Paris, le parquet, s’acharne à ralentir et brider l’instruction, s’opposant même à la Cour de cassation pour éviter la mise en cause de lobbyistes du « Comité permanent amiante », de hauts fonctionnaires et de représentants de l’Etat.
La justice italienne nous donne une belle leçon.

 


BRUNO PESCE (Afeva)
« Nous attendons que la Cour de cassation confirme la condamnation de Schmidheiny »

Le 19 novembre se tiendra une audience décisive dans la longue marche judiciaire des victimes d’Eternit. La Cour de cassation
statuera sur l’arrêt rendu le 3 juin 2013 par la Cour d’appel de Turin qui a condamné le milliardaire suisse à dix-huit ans de prison.

La cour de cassation rendra son arrêt sur le procès Eternit avant la fin de l’année. Quelles sont les attentes de l’Afeva ?

Nous attendons qu’elle confirme le jugement de la cour d’appel de Turin qui a reconnu Stephan Schmidheiny coupable d’avoir causé une catastrophe humaine et environnementale permanente avec intention frauduleuse et l’a condamné à 18 ans de prison.
Nous sommes confiants. L’instruction remarquable menée par le procureur Guariniello a permis de saisir des documents accablants et de recueillir des témoignages qui démontrent sa culpabilité. C’est en pleine connaissance de cause qu’il a prolongé l’utilisation de cette fibre cancérogène en dissimulant ses dangers aux ouvriers et à la population. C’était une stratégie planifiée, faisait passer les intérêts financiers d’une multinationale avant la santé publique.
Si nous sommes arrivés à ce stade, c’est grâce à la très longue lutte des victimes italiennes et à la solidarité internationale. Je tiens à remercier l’Andeva pour l’aide qu’elle nous a apportée.
Nous vivons un moment historique. Une confirmation de la Cour de cassation serait un message d’espoir envoyé aux victimes du monde entier.

Schmidheiny n’a encore jamais fait une seule journée de prison ni payé un centime d’indemnité aux parties civiles, malgré les jugements en première instance et en appel.

Il vit au Costa Rica et se croît à l’abri. C’est un défi cynique qu’il lance aux victimes et aux familles qu’il a endeuillées : « Vous voulez des indemnités ? Venez donc les prendre, si vous en êtes capables ! »
Nous savons bien qu’il ne sera pas facile de faire appliquer un mandat d’arrêt international par un pays avec lequel n’existe aucun accord d’extradition. Mais la justice doit s’appliquer à tous, y compris aux milliardaires. Il n’est pas possible que le responsable d’une catastrophe sanitaire qui a détruit des milliers de vies humaines échappe à toute sanction. Le jugement a été rendu «  au nom du peuple italien  ». La responsabilité de l’Etat est engagée.
Les victimes n’ont pas les moyens financiers d’engager une action judiciaire internationale très coûteuse pour le recouvrement des sommes qui leur sont dues. L’Etat italien doit les aider.
Dans l’immédiat, pour ouvrir une brèche, nous avons engagé une action judiciaire portant sur une dizaine de cas en lien avec l’avocat suisse David Husmann. Mais, face à la résistance d’un condamné aussi puissant que Schmidheiny, la mobilisation des victimes ne suffira pas à débloquer la situation. L’Etat et toutes les institutions concernées doivent agir aux côtés des victimes.

Le procureur Guariniello a annoncé que l’instruction d’un procès « Eternit-bis » était déjà close.

Oui, ce second procès concerne 230 familles de victimes décédées d’un mésothéliome. La grande majorité d’entre elles sont de Casale Monferrato.
Après la clôture d’ l’instruction, Schmidheiny dispose d’un délai légal de vingt jours pour présenter des observations contradictoires, avant que ne lui soit notifié son renvoi devant une juridiction.
Nous devrions avoir prochainement des précisions supplémentaires sur ce procès « Eternit-bis ».
Une nouvelle enquête est en cours sur d’autres cas plus récents. Nous ne savons pas encore s’ils seront joints au procès «  Eternit- bis » ou s’il feront l’objet d’un nouveau procès «  Eternit Ter ».
La justice avance à grand pas quand elle peut s’appuyer sur le travail de magistrats motivés, compétents et intègres comme le procureur Guariniello et son extraordinaire équipe.
On peut penser qu’à l’avenir les procès s’enchaîneront les uns après les autres, car l’amiante continue à tuer.
Aujourd’hui encore, à Casale Monferrato, il y a un mort de l’amiante par semaine.
C’est pour nous une souffrance sans cesse ravivée.
Les victimes et les familles doivent absolument obtenir justice.
C’est indispensable pour protéger l’avenir des générations futures.

 


UNE DISTINCTION IMMERITEE

L’université de Yale, l’une des plus prestigieuses des Etats-Unis avait décerné il y a dix-sept ans le titre
de docteur honoris causa à Stephan Schmidheiny pour «  sa contribution au développement durable et à l’écologie ».
Quand on connaît l’importance des dégâts humains et environnementaux à Casale Monferrato, Cavagnolo, Rubiera et Naples pour lesquels il a été condamnés, cette distinction apparaît largement usurpée.
33 maires de la région de Casale Monferrato ont écrit au président de l’Université pour demander que cette distinction lui soit retirée.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)